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Le Quatuor Asasello au Festival de l’Orangerie de Sceaux – Brahms et Reger en dialogue - Compte-rendu
Entre “tubes” et perles rares, c’est la musique de chambre de Johannes Brahms que met cette année à l’honneur le Festival de l’Orangerie de Sceaux 2016. Premier concert de ce cycle, le Quatuor Asasello interprétait les deux premiers quatuors à cordes de Brahms, assortis du dernier quatuor de Max Reger.
Assez peu connu en France, le Quatuor Asasello jouit d’une belle popularité outre-Rhin depuis sa création en 2000. Composé du Russe Rotislav Kojevnikov et de la Suissesse Barbara Kuster aux violons, de l’altiste polonaise Justyna Sliwa et du violoncelliste finlandais Teemu Myöhänen, ce quatuor éclectique a pour habitude de composer des programmes originaux et exigeants.
Le deux Quatuors op. 51 de Brahms ont en effet la réputation d’être quelque peu obscurs et difficiles d’accès : achevés en 1873 (Brahms a 40 ans), mais sans doute ébauchés une dizaine d’années auparavant, ils témoignent de la prudence avec laquelle le compositeur a abordé ce genre si délicat et savant, encore dominé par la figure de Beethoven.
Le Quatuor n°1 en ut mineur, dense et tourmenté dans ses deux mouvements extrêmes, démonstration d’une science parfaite de l’écriture (Schoenberg les prend pour exemples dans son essai “Brahms le progressiste”), expose beaucoup plus à nu les instrumentistes dans la Romanze lyrique et délicate et l’Allegretto plein d’inventivité rythmique, entre folklore et douce mélancolie. Le Quatuor Asasello y fait valoir une superbe homogénéité des timbres, en particulier entre les deux violons, et une interprétation tout en grâce et en retenue.
C’est une véritable rareté et un ouvrage imposant qui vient ici s’insérer au cœur du programme : le Quatuor n°5 en fa dièse mineur op. 121 de Max Reger, créé en 1911. Le compositeur allemand, particulièrement prolixe en lieder et musique de chambre, avait dédié cette pièce au Quatuor de Bohème (dont faisait partie le violoniste et compositeur tchèque Josef Suk) créateur de nombreuses œuvres de Dvorak, Smetana ou Taneïev.
La veine populaire d’Europe centrale semble ainsi irriguer tout le quatuor dans un étrange patchwork stylistique aux contours brumeux, entre mélodies éplorées et valses légères, chromatisme sinueux et fugato sévère. Si le langage musical de Reger n’est pas résolument tourné vers la modernité, il possède un caractère assez personnel et cherche sa propre voie entre classicisme rigoureux, harmonies post-romantiques et influences folkloriques. Une œuvre difficile d’accès, qui aurait peut-être demandé de la part des interprètes davantage de contrastes et de nuances.
Plus léger, le 2ème Quatuor en la mineur de Brahms puise lui aussi volontiers dans la musique populaire, avec ses mélodies déhanchées, ses quintes à vides et ses rythmes irréguliers. Mais le Quatuor Asasello, loin d’appuyer le pittoresque, fait encore preuve d’énormément de finesse et de poésie.
Contraste total, en bis, après un programme plutôt austère, avec l’irrésistible Polka sarcastique extraite de L’Âge d’or de Chostakovitch !
À ne pas manquer dans la suite du Cycle Brahms du Festival de Sceaux : le Sextuor à cordes n°2 op.36 par La Folle Journée Camerata (le 20/08), et des lieder et pièces de musique de chambre par Karine Deshayes, Philippe Cassard et le Quatuor Hermès(le 4/09).
Raphaël Dor
Festival de l’Orangerie de Sceaux, le 14 août 2016
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