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Le Quatuor à cordes de Krystof Maratka en création à Prades - Sous le signe du père - Compte-rendu
Jamais deux sans trois. Après le fascinant Quintette à vent « Hypnozy » (2006) et le mystérieux et labyrinthique Praharphona Sextet (2009), deux partitions majeures de la musique de chambre de ce début de siècle (1), Krystof Maratka (photo) marque à nouveau la vie musicale contemporaine avec un Quatuor à cordes que le public du Festival de Prades a découvert en création mondiale par le Quatuor Prazak.
Né en 1972 et formé dans sa Prague natale (par Bohuslav Rehor et Petr Eben), Krystof Maratka vit en France depuis le début de années 1990. Origines tchèques, influences culturelles françaises : l’histoire a déjà donné pas mal d’exemples de cette fructueuse rencontre… A commencer par le grand-père de Krystof, Josef Maratka (1874-1937), qui fut élève de Rodin au tout début du XXe siècle. Dès ses premiers ouvrages, le compositeur a su affirmer une personnalité originale, à la fois fermement attachée à ses racines Mitteleuropa et ouverte sur une modernité libre et dédaigneuse de la panoplie des trucs et attrape-bobos.
A 40 ans tout rond, Maratka signe son – premier – Quatuor à cordes. « Livre des cendres », in memoriam Z.M. : œuvre particulièrement dense, c’est là le cadeau d’un fils à son père, le célèbre médecin Zdenek Maratka (1914-2011), disparu à l’âge de 94 ans (2). Autant que dire que cette partition, en deux volets, d’une bonne vingtaine de minutes se nourrit de la partie la plus subjective et secrète de l’imaginaire du musicien. On la découvre sous les archets des Prazak juste après une magistrale interprétation du Quatuor n°1 « Sonate à Kreutzer » de Janacek – devancier admiré de Maratka s’il en est - : voisinage redoutable qui ne souligne que mieux le niveau exceptionnel auquel se situe le « Livre des cendres ».
Conversation intime entre un fils et son père, l’ouvrage procure cette sensation de liberté dans le rapport au son, portée par une écriture d’une méticulosité extrême, qui singularise Maratka. C’est lui et pourtant, il ne répète rien, ne reformule rien. Avec sa couleur personnelle, un fois de plus, il se réinvente et convie l’auditoire à un moment d’émotion d’une intensité parfois déchirante (ce si bémol aigu au violoncelle, aussi douloureux que mystérieux, sur lequel se referme l’ouvrage…). Un équilibre et une inventivité incessante caractérisent l’agencement d’une complexe polyphonie d’où se dégagent des atmosphères étranges et mystérieuses. Le registre intime, l’émotion omniprésente ne cèdent cependant rien à l’impudeur ou au morbide ; par-delà la disparition du père et l’hommage qui lui est rendu, le « Livre des cendres » s’impose d’abord comme une splendide méditation philosophique - portée par le cœur.
Heureux Quatuor Prazak qui a eu le privilège de créer le « Livre des cendres »… Gageons que les formations de la jeune génération ne vont pas tarder à s’emparer de ce chef-d’œuvre.
On guette désormais la création de Vabeni, vaste composition pour chœur et orchestre de Maratka, que l’Orchestre Philharmonique et le Chœur de Radio France donneront en première française, sous la baguette de Peter Oundjian, le 10 mai 2013, à la Salle Pleyel.
Alain Cochard
(1) Elles viennent d’être enregistrées par l’Ensemble Calliopée (1CD DUX 0784)
(2) Une vie digne d’un roman... Krystof Maratka a d’ailleurs écrit et réalisé un émouvant film sur père, « De ta vie… », que l’on a pu découvrir à Prades au lendemain de la création du Quatuor et qui ne donnait que plus de sens à celui-ci.
Abbaye Saint-Michel de Cuxa, Prades, 1er août 2012
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Photo : Krystoph Maratka par Nemo Perier Stefanovitch
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