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Le retour d’Ambroise - Hamlet à Saint-Etienne
On connaît le mot de Debussy : « il y a la bonne musique, la mauvaise musique et celle d’Ambroise Thomas ». Continuer à lui donner un écho négatif serait simplement de la mauvaise foi. Si Debussy connaissait Mignon ou Hamlet, il les prenait pour cible dans sa bataille pour un nouvel opéra, n’hésitant pas à caricaturer leur écriture, mieux leurs univers ; mais avait-il raison ? Pelléas et Carmen sont devenus contre eux-mêmes (et probablement contre leur vérité intime) des monuments, mais où sont leurs descendances ?
Insensiblement, les deux chefs-d’œuvre d’Ambroise Thomas – car c’en sont – reprennent leur place au répertoire, portés à chaque fois par des interprètes fascinés par le pouvoir expressif de rôles habillement écrits. Mignon revient cette saison à l’Opéra Comique, mais c’est l’Opéra de Saint Etienne qui tire le premier avec Hamlet.
Tout loin qu’il soit – les librettistes travaillèrent sur l’étonnante adaptation que Dumas et Maurice proposèrent, donnant au passage la couronne au prince et le sauvant du trépas - Shakespeare est tout de même présent, incarné dans la psychologie complexe d’Hamlet, mise en musique avec un art consommé mais aussi quelques pointes de génie par Thomas. Et faisons litière des assertions qui prétendent que le compositeur aurait pillé Gounod par deux fois. Goethe d’abord, Shakespeare ensuite : Mignon après Faust, Hamlet après Roméo et Juliette, l’examen des faits infirme ce jugement menteur, car dans l’un et l’autre cas des premières versions des opéras de Thomas existaient avant les créations de ceux de Gounod. Du reste ce parallèle Thomas/Gounod devrait justement éclairer le génie du premier : l’orchestre. Car chez Ambroise Thomas, l’orchestre est un personnage à part entière, créateur d’atmosphère unique. Comment Debussy n’y fut-il pas sensible d’ailleurs ?
Le rôle-titre passionne les barytons depuis sa création par Jean-Baptiste Faure à la Salle Le Peletier le 9 mars 1868. Hier Thomas Hampson, Francesco Pomponi ou Simon Keenlyside ont réinventé le rôle, mais des Français guère. Justement ce sera au tour de Jean-Sébastien Bou de faire corps avec la mélancolie du prince ; inutile de souligner qu’on en espère beaucoup. Distribution soignée jusque dans les seconds rôles : Doris Lamprecht en Gertrude, Nicolas Cavalier en Claudius, Christophe Berry pour Laërte, et une inconnue (pour nous) en Ophélie : Almira Selim. Bernard Habermeyer met en scène, le dévoué Laurent Campellone dirige.
Jean-Charles Hoffelé
A. Thomas : Hamlet - Opéra de Saint Etienne, les 5, 7(mat.) et 9 mars 2010
Infos : Tél : 04 77 47 83 40 / www.opera-theatre.saint-etienne.fr
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Photo : DR
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