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Le Sang des étoiles de Thierry Malandain par le Ballet du Rhin - Planète Malandain - Compte-rendu

Thierry Malandain a sa voie lactée personnelle et assure-t-il, il préfère « faire acte poétique que politique ». Heureusement, car le monde s’y perdrait ! Lui rassemble des bribes de souvenirs, de rêves, de références personnelles, les tresse en un langage à nul autre pareil, et donne une étrange réalité aux idées les plus inhabituelles. Son Sang des étoiles, demeuré comme l’un de ses réalisations les plus originales, mène très loin, mais le guide s’y efface discrètement derrière le champ des possibles ouverts par le chorégraphe. L’homme, discret et volontaire, cherche parfois sa voie dans les messages des astres : ici Malandain se rallie au mythe antique de Callisto, séduite par Zeus et métamorphosée en Ourse puis en constellation. Le thème, plus qu’étrange, lui permet d’accrocher au passage nombre de réflexions récurrentes dans son parcours, outre un rappel bizarrement baroque des lourdeurs Second Empire qui envahirent Biarritz, port d’attache de Malandain, lorsque Waldteufel y dirigea l’Orchestre du casino Bellevue avant de conduire les bals impériaux aux Tuileries et à Compiègne. Et comme ces étoiles ont du sang viennois, elles tournoient, tournoient sur ces valses devenues ici un étrange bal cosmique.

Au lieu de tenter une classique transposition du mythe et d’en faciliter la compréhension, Malandain joue avec les costumes, de pourpoints en crinolines, enlevant le haut, puis le bas, puis les raccordant, en des ensembles volontairement pesants, dignes de Schönbrunn, avant de mêler les principaux personnages en des duos d’une incroyable finesse, empreints d’une poésie à la fois éthérée et érotique. Curieux mélange. Alternant Mahler (Chants du Compagnon errant dans la sublime interprétation de Dietrich Fischer-Dieskau) avec les flonflons faussement joyeux du monde viennois, il crée une sorte de grande roue, qui donne un peu le vertige.

Le ballet, qui se termine sur une étonnante citation de la Bayadère, plus nostalgique que cocasse, puisque les ombres y sont remplacées par des ours blancs -allusion à La Grande et la Petite Ourse, mais aussi à la mort de la banquise- a toujours connu un énorme succès depuis sa création à Biarritz, en 2004. Ivan Cavallari, qui ouvre désormais le Ballet du Rhin à de nouvelles sources d’inspiration, a eu une excellente idée en inscrivant cette pièce hors normes au répertoire du Ballet du Rhin. Idée d’autant plus excellente qu’on n’a guère la possibilité de voir du Malandain en France autrement que dansé par Ballet Biarritz. La compagnie rhénane en donne une version savoureuse, plus légère peut-être que celle de la troupe habituelle du chorégraphe, habituée à tous ses fantasmes. Plus de fluidité peut-être dans les pas de deux, grâce à des danseurs qui ont davantage gardé le contact avec le ballet classique, moins d’expressivité sans doute. Mais un égal et étrange bonheur, qui entraîne hors du temps. Désorientant, comme souvent avec Malandain.

Jacqueline Thuilleux

Le Sang des Etoiles, ballet de Thierry Malandain - Strasbourg, Opéra, 16 novembre 2013

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Photo : JL TANGUE / Opéra National du Rhin
 

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