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L’Enfance du Christ de Berlioz par l’Orchestre Régional Avignon-Provence – Pari gagné - Compte-rendu
Il a connu des heures très difficiles mais, depuis l’arrivée en janvier 2013 de Samuel Jean (photo) au poste de Premier chef invité, l’Orchestre Régional Avignon-Provence repart d’un bon pied et offre, en concert comme au disque, la preuve d’une confiance retrouvée. On s’était fait l’écho l’an passé (1) d’un très original programme de musique française pour harpe réunissant Emmanuel Ceysson et Samuel Jean – puisse l’enregistrement réalisé à la suite de cette soirée sortir sans trop tarder.
Sur un registre différent, la musique française aura à nouveau permis aux musiciens avignonnais et à leur chef de se distinguer il y a quelques mois avec la parution d’un bel enregistrement de L’Amour masqué d’André Messager - le début d’une collection Sacha Guitry chez Actes Sud. (2)
Notre répertoire national était à nouveau à l’affiche il y a peu avec L’Enfance du Christ. Pas le Berlioz le plus spectaculaire, certes, mais une partition qui, par la science des timbres et la profonde poésie qui la singularisent, constituait un pari ambitieux pour la formation provençale.
Alliée pour l’occasion au Chœur symphonique Avignon-Provence, elle a su s’attacher le concours de solistes on ne peut plus adaptés au contexte. Avant de dire leurs mérites, il convient d’insister sur la qualité du travail accompli par Samuel Jean. Homogénéité des cordes, saveurs fruitées de l’harmonie : le chef a toute latitude pour restituer avec beaucoup de justesse les climats de chacun des volets de cette « trilogie sacrée », qu’il s’agisse des accents dramatiques du Songe d’Hérode ou des coloris tendres des deux parties suivantes.
Nicolas Courjal © Neil Gillespie
Stimulés par cette direction suggestive et narrative, les solistes donnent le meilleur d’eux-mêmes. Yves Saelens s’avère être un récitant plein de tact, déroulant le fil conducteur d’une œuvre où l’on ne tarde pas à être saisi par la prestation de Nicolas Courjal en Hérode. Quelle voix, quel musicien ! La densité, la profondeur et la noirceur du timbre vont de pair avec une souplesse de ligne, un mordant, une clarté dans la diction et un engagement dramatique dépourvu d’emphase. Superbe. Voilà qui promet pour le Roi Marke que la basse incarnera en mars-avril à l’Opéra de Bordeaux.
Nullement en reste, Marie Gautrot et Thomas Dolié forment un couple Marie/Joseph idéalement apparié (magnifique duo « Ô mon cher fils… » porté par un orchestre parfait de tendresse et de luminosité). Quant à Geoffroy Buffière, il occupe avec bonheur le double emploi de Polydorus et du père de famille. S’agissant de ce dernier, la chaleur et l’humanité qu’il y apporte comptent pour beaucoup dans la sensation d’accomplissement qui envahit l’auditeur au terme d’une soirée suivie par un public très nombreux. Et l’on n’oublie pas la contribution des forces chorales du Chœur Symphonique Avignon-Provence. Quelques aigus parfois tendus du côté des femmes ? Certes mais l'engagement collectif de la formation, à l’unisson de l’ensemble des protagonistes de cette Enfance du Christ, rattrape amplement certaines imperfections. Pari ambitieux que ce Berlioz pour la phalange avignonnaise ; pari gagné !
Alain Cochard
Avignon, Opéra, 5 décembre 2015
(1) www.concertclassic.com/article/lorchestre-davignon-samuel-jean-et-emmanuel-ceysson-une-renaissance-compte-rendu
(2) La S.A.D.M.P. (Société Anonyme des Messieurs Prudents) de S. Guitry et Louis Beydts sera donnée en concert à l’Opéra d’Avignon le 27 mars 2015, avec une très belle distribution (Isabelle Druet, Mathias Vidal, etc.). Un enregistrement sera réalisé dans la foulée.
Photo Samuel Jean © PicturingtheDark
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