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L’Enlèvement au sérail au Palais Garnier - Un parfum suranné - Compte-rendu
La nouvelle production de L’Enlèvement au sérail, absent de l’Opéra de Paris depuis 1985, n’est pas de celles propres à susciter les passions. De détestation comme d’adoration… Pour ses premiers pas dans la mise en scène lyrique, Zabou Breitman s’affirme parfaitement sage, pour ne pas dire conformiste. À l’instar de la restitution musicale, conforme à ce que l’on attend d’elle. Mais c’est peut-être déjà bien, sinon beaucoup.
La scène de Garnier représente donc un Orient de conventions, avec une imagerie puisée à celle des peintres orientalistes du XIXe siècle : palais des Mille et Une Nuits (conçu par Jean-Marc Stehlé, tout récemment disparu, avec l’opulence qu’on lui connaît), djellabas, voiles en tous genres et danseuses du ventre. L’animation du plateau, elle, se contente de coller à l’action, sans surprise ni incongruité. Nous restons dans les habitudes, immémoriales depuis les grosses machines de L’Africaine de Meyerbeer et La Juive d’Halévy. Ou Mozart revu, avec un siècle de retard, par le Grand Opéra à la française qui ravissait tant nos aïeux. Est-ce l’idée, historiquement et socialement datée, et surannée, que se fait Breitman du genre même de l’opéra ? Passons… Et retenons une jolie vision métaphorique, enfin et pour finir : le vol d’une chouette blanche traversant la scène, accueillie sur la main de Belmonte et libérée de la cage qui la cloîtrait au début du spectacle, allégorie du beau message de tolérance du Singspiel de Mozart.
© Agathe Poupeney
La restitution musicale est à l’image du destin scénique de ce volatile, quelque peu engoncée puis épanouie. Notons, toutefois, que la partition est livrée intégralement, ou « quasi » (pour citer Philippe Jordan). Effort méritoire, certes, mais devenu courant, notamment du côté des baroqueux. Et justement, nos oreilles s’étant accoutumées à ces sonorités allègres et piquantes, les premiers moments de l’orchestre ramènent à un autre âge (au temps du Grand Opéra ?) : ensemble massif, bruyant sans être toujours brillant. Les timbres reprennent mieux leur individualité au cours de la soirée – d’autant plus pour les instruments « turcs » sortis de la fosse sur le plateau – sous la direction sans cesse vigilante de Jordan. À qui l’on ne peut demander, comme à l’Orchestre de l’Opéra de Paris, la clarté d’attaque de l’instrumentarium et du style d’époque. Lors d’une prochaine reprise, qui sait ? Alors confiée à des tenants de ces reconstitutions devenues désormais inhérentes à ce répertoire…
Le chant s’avère lui aussi traditionnel, avec des hauts et des bas. Erin Morley emporte assurément la palme : Konstanze d’un beau phrasé, constant dans tout le registre, à son aise dans les ornements comme la couleur déliée. Bernard Richter commence mal – son air d’entrée ! – avec une agilité qui s’empêtre, mais réserve une réelle présence, en particulier dans les ensembles, qui conviennent mieux à sa projection ferme sans être nécessairement subtile (on ne peut s’empêcher de penser à ce qu’aurait fait de Belmonte un Cyrille Dubois, entendu deux jours auparavant à Reims, mais qui ne bénéfice pas encore de la même carrière internationale). Lars Woldt constitue, lui, un Osmin de caractère, d’une verve ténébreuse et bougonne impayable. Alors qu’Anna Prohaska tire son épingle du jeu pétulant de Blonde, et que Paul Schweinester figure un Pedrillo pétillant de légèreté. Chœurs sans histoires, malgré quelques décalages dans une partie qui ne leur est pas si difficile. Sans histoires, à l’égal du sentiment de la soirée.
Pierre-René Serna
Palais Garnier / Opéra de Paris, 19 octobre 2014
Photos © Agathe Poupeney
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