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L’Enlèvement au sérail selon Waut Koeken à Strasbourg - Entre rêve et réalité - Compte-rendu
Créé à Vienne en 1782, L’Enlèvement au sérail fut représenté avec grand succès l’année suivante à Strasbourg, ville qui avait accueilli Mozart à bras ouverts pendant trois mois au retour de son voyage désastreux à Paris en 1778. La production que propose l’Opéra national du Rhin, plutôt que de s’apesantir sur la couleur locale et les turqueries d’usage, offre un regard en demi-teinte sur la psychologie des personnages. Mozart n’opère-t-il pas en réalité un transfert de sa situation personnelle par le truchement musical de son premier chef-d’œuvre lyrique où d’ailleurs l’héroïne porte le nom de sa future épouse Constance ?
L’imagerie des Mille et une Nuits n’a pas cours dans le décor de Yannik Larivée qui place l’action, à la manière du Chevalier à la rose de Richard Strauss, dans un appartement de style rococo entre lits à baldaquin et portes hautes coulissant au rythme de l’intrigue. Seuls les costumes arabisants et bigarrés de Carmen Van Nyvelseel et les lumières très subtiles de Glen D’haenens aux teintes d’opale et de topaze rappellent l’exotisme de l’Orient. La mise en scène du jeune belge Waut Koeken (très remarqué l’an dernier à Colmar dans Aladin, ou la lampe merveilleuse de Nino Rota) propose un cheminement intérieur et métaphorique entre rêve et réalité, depuis l’enfermement au sérail et le confinement des personnages jusqu’à leur libération finale par le Pacha Selim, véritable homme des Lumières.
La tenue musicale de cet Enlèvement doit beaucoup à la direction de Rinaldo Alessandrini. Très à l’aise dans ce répertoire, il réussit à intégrer parfaitement l’alternance entre chant et dialogues grâce à des transitions souples et fluides. L’Orchestre Philharmonique de Strasbourg, allégé, fait preuve d’un constant équilibre, alternant vivacité, sens belcantiste et transparence des lignes dans l’accompagnement des voix. Tout à fait accordés à la langue allemande, les chanteurs ravissent par leur qualité d’intonation. L’Américaine Laura Alkin (Constance), soprano colorature vaillante, est d’une musicalité sans faille. Elle transmet à l’héroïne l’intériorité d’un être humain en prise aux peines et aux joies, sans pour autant sacrifier la dimension pyrotechnique et virtuose de ce rôle aux arabesques redoutables.
A ses côtés, la Blonde de l’Autrichienne Daniela Fally, au timbre piquant mais un peu acide dans les aigus du premier air, manifeste une présence, une féminité, qu’elle exprime avec bonheur dans ses échanges avec le valet Pedrillo, bien campé par le ténor Markus Brutscher. En Belmonte, le Hongrois Szabolcs Brickner offre une ligne de chant pure et frémissante, et l’Osmin de la basse Reinhard Dorn, truculent et d’un sadisme enjoué, sait très bien tirer son épingle du jeu par une agilité théâtrale, faute de posséder le registre profond d’un Sarastro. La diction parfaite de Christoph Quest, très raffiné dans le rôle parlé du Pacha Selim, est à l’image de ce spectacle réjouissant au caractère à la fois drôle et tendre. On attend avec impatience la saison 2011/2012 de l’Opéra national du Rhin qui verra l’imagination de Waut Koeken à l’épreuve de La Chauve-souris de Johann Strauss.
Michel Le Naour
Mozart : L’Enlèvement au sérail - Strasbourg, Opéra National du Rhin, 15 mai. Prochaines représentations, à Strasbourg, les 17, 19 et 21 mai, puis à Mulhouse (La Sinne), les 29 et 31 mai et le 2 juin 2011.
www.operanationaldurhin.eu
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Photo : Alain Kaiser
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