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Les 25 ans de la Simphonie du Marais - Sous le signe de l'intimité - Compte-rendu
Un quart de siècle, le bel âge. Flûtiste et hautboïste de plus d'un ensemble baroque, Hugo Reyne a fondé le sien en 1987, année mythique s'il en est – résurrection d'Atys, opéra que la Simphonie du Marais a d'ailleurs gravé(1). Pendant le mini-festival parisien organisé pour ses 25 ans, l'ensemble revient sur ses terres d'avant l'émigration vendéenne, et propose un panorama de son répertoire, et en particulier de son terroir d'élection, le baroque français.
Le premier de ces trois concerts fait entendre la formation en trio, avec Emmanuelle Guigues à la viole de gambe et Thomas Dunford à l'archiluth. Renouant avec une tradition oubliée, chacun prélude en improvisant avant la Suite en mi mineur pour flûte et basse continue de Jacques Hotteterre. Composée à la fin du règne de Louis XIV, elle est empreinte d'une mélancolie que l'on reconnaît dans maints ouvrages de l'époque. Après les éclatants triomphes des premières années du roi Soleil auxquels répond le faste de la tragédie lyrique, l'inspiration des musiciens se replie vers un intimisme dont Les Voix humaines présentent un avatar aussi exemplaire qu'émouvant. Ecrit par Marin Marais pour la viole de gambe, Thomas Dunford l'a transcrit pour archiluth, un luth auquel on a ajouté deux cordes plus épaisses afin de pallier leur fragilité dans les graves, favorisant des contrechants à l'intériorité recueillie. Après la Suite en mi mineur pour viole de Marin Marais, la Chaconne « La Buisson » de Forqueray fait entendre une luminosité apaisée. La flûte ductile et chantante d'Hugo Reyne revient en soliste avec la Cinquième Suite en sol mineur de Pierre Philidor.
L'entracte nous fait franchir la frontière germanique et l'on découvre la Sonate en la mineur HWV 374 que Haendel écrivit à Halle, au syncrétisme teuton que l'on retrouve sous la plume de Telemann. La Sonate en ré majeur pour viole seule de ce dernier est l'unique avatar du genre au milieu d'une prolifique production. Recitativo, Andante arioso et Vivace, elle reproduit la construction d'une scène lyrique – on sait la parenté de la tessiture de la viole avec la voix humaine, ce qui n'a évidemment pas échappé au compositeur allemand dans cette pièce imitative généreusement rendue par Emmanuelle Guigues, faisant oublier les turbulences de l'instrument. Presque exact contemporain de Bach, Weiss a légué un corpus pour luth dont on entend un Prélude, avant la Sonate en fa majeur BWV 1035 du Cantor de Leipzig, typique de son art de la synthèse des styles, et un bis signé Jean-Marie Leclair, que la Simphonie du Marais connaît bien pour l'avoir enregistré. Ponctuant chacun des morceaux de brèves introductions, Hugo Reyne propose un exemple de partage destiné à essaimer. Conscients du caractère intimiste de telles soirées, les auditeurs réunis à l'Hôtel de Soubise ne pourront que le confirmer.
Gilles Charlassier
Paris, Hôtel de Soubise, 5 octobre 2012
(1) 3CD Musique à la Chabotterie
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Photo : DR
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