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​Les Puritains à l’Opéra Bastille – Le bel canto à la fête – Compte rendu

 

Remontée à l’automne 2019, cette production signée Laurent Pelly, lourdement dirigée et inégalement chantée, nous avait laissé sur notre faim. La présence de Lisette Oropesa et de Lawrence Brownlee, couple vedette d’une récente intégrale publiée chez Euro Arts (1), méritait donc que l’on reprenne le chemin de l’Opéra Bastille où le spectacle a vu le jour il y a douze ans.
 

Corrado Rovaris © operaphila.org

Changement de ton dans la fosse : Corrado Rovaris impose son brio et une dynamique qui jamais ne retombe à cette œuvre qui, malgré ses beautés, peut facilement traîner en longueur et laisser apparaître quelques faiblesses narratives. Là où Riccardo Frizza avait échoué, l’actuel directeur musical de l’Opéra de Philadelphie, qui fait ici ses débuts à l’Opéra de Paris, instaure un climat où romantisme et onirisme cohabitent pour le mieux et souligne avec subtilité l’espace mental dans lequel évolue l’héroïne principale, Elvira. Le très beau décor stylisé de Chantal Thomas, sorte de carcasse de château posé sur une tournette, semble une allégorie de l’esprit d’Elvira, qui erre dans cette ossature métallique comme pour fuir la folie qui la menace.

 

© Sébastien Mathé

Telle une apparition, cette dernière qui se croit trahie par celui qu’elle aime, sombre dans la douleur et perd pied retenue dans une cage, ou dévalant les marches de ce lieu imaginaire aux donjons escarpés, avant de retrouver la raison au retour du bien-aimé. Funambule et fantomatique, Lisette Oropesa offre une mémorable prestation ; virtuose accomplie à la voix souple et ondulante (Polonaise), son personnage allie beauté de la ligne et rondeur du timbre (Folie) à une grammaire belcantiste des plus développées. Cette sportive, adepte de la course à pied, ici en perpétuel mouvement, respire la musique avec grâce et trouve dans cette partition la clé d’une interprétation émouvante et hautement recherchée, à la différence d’Elsa Dreisig totalement étrangère à cet univers.

 

© Sébastien Mathé

Malgré les années, Lawrence Brownlee conserve les qualités qui ont fait son renom : un grain de voix suave, une impeccable vélocité et une caractérisation d’Arturo sensible et naturelle jusque dans les extrapolations vocales confiées à son rôle. La basse italienne Roberto Tagliavini pourrait paraître un peu en retrait en Giorgio, impression vite démentie par un bel engagement notamment dans son air « Cinta di fiori », puis dans le duo qui l’oppose au Riccardo d’Andri Kymach, baryton encore hésitant mais à l’aigu puissant. Manase Latu (Bruno), Vartan Gabrielian (Gualtiero) et Maria Warenberg (Enrichetta), ainsi que les impeccables choristes de l’Opéra ferment le ban de cette enthousiasmante reprise, présentée jusqu’au 5 mars sur la scène de la Bastille.
 
François Lesueur
 

(1) www.euroarts.com/labels/1112-vincenzo-bellini-i-puritani

Bellini : Les Puritains – Paris, Opéra Bastille, 6 février ; prochaines représentations les 12, 15, 18, 21, 24, 27 février, 2 & 5 mars 2025 // www.operadeparis.fr/saison-24-25/opera/les-puritains

Photo © Sébastien Mathé

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