Ce récital de François-Frédéric Guy inaugure un "Brahms Project", dont un formidable enregistrement des 3 Sonates récemment publié (1) constitue le point de départ discographique - "non pas un intégrale exhaustive mais un dictionnaire amoureux du compositeur", confie l'interprète. Familier des voyages au long cours (on pense à ses intégrales des Sonates et des Concertos de Beethoven au disque et en concert), le pianiste présente au public de Gaveau sa lecture d’un triptyque de jeunesse qui scellera le destin du compositeur auprès du couple Schumann et du monde musical.
 
L’héroïsme juvénile, la véhémence, emportent tout sur leur passage dès la Sonate n° 2 en fa dièse mineur (la première dans la chronologie) jetée à la face du monde. Le soliste manifeste un souffle, un sens de l’expression, une profondeur de son qui se retrouvent dans la Sonate n° 1 en do majeur construite comme une grande forme beethovénienne prise à bras le corps par un soliste qui connaît la « Hammerklavier » comme personne.
La Sonate n° 3 en fa mineur (une partition que F-F. Guy peaufine depuis plus d’un quart de siècle) prend une dimension hugolienne entre puissance orchestrale, art de la construction et plénitude, avec une éloquence de diction sans pareille.
Le bis (Intermezzo op. 119 n° 1) ferme la boucle en entretenant un climat d’intériorité et de mystère, prolongement ultime d’un concert que l’on gardera en mémoire.
 
 Michel Le Naour

(1) 2 CD Evidence EVCD 022 / dist. Harmonia Mundi

Paris, Salle Gaveau, 30 mars 2016

Photo © Caroline Dourtre