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Les Archives du Siècle Romantique (18) – 1854 : l’éveil de l’opérette (revue de presse)
Pour l’heure, ce nouvel épisode des Archives du Siècle Romantique, que Concertclassic vous propose chaque mois en collaboration avec le Palazzetto, permet parcourir une revue de presse « opérettique » de l’année 1854 et d’y trouver l’écho des activités d’Hervé dans son petit théâtre de Folies-Concertantes (sis au 41 Boulevard du Temple, et bientôt rebaptisé Folies-Nouvelles), mais aussi celui d’une époque où le Journal des débats écrivait (en sept. 1855) : « Nul ne pourrait parier du vainqueur de cette concurrence entre Hervé et Offenbach » ...
Alain Cochard
*
La nouvelle salle des Folies-Concertantes, au boulevard du Temple, attire chaque soir un grand nombre de visiteurs. Ainsi déjà se réalisent en grande partie les espérances que nous avions conçues au sujet de cet établissement. L’habile directeur, M. Hervé, ne néglige rien pour varier son spectacle.
M. Joseph Kelm vient d’obtenir un brillant succès dans la Distribution des prix, et M. Paul Legrand vient de créer avec un rare talent un rôle de rapin dans la nouvelle pantomime, la Fausse Douairière. C’est comme type de peintre, d’artiste à longue barbe et à chapeau pointu, ce que nous avons vu de plus comique et surtout de plus vrai et de plus complet.
M. Hervé déploie du reste une activité incessante. On répète en ce moment une grande pantomime en quatre tableaux, de M. Maurice Sand, ayant pour titre Arlequin ravisseur ; musique, costume, décors, accessoires, tout sera neuf, tout sera frais, tout sera digne du genre distingué que M. Hervé désire donner à son théâtre. À bientôt donc la première représentation de ce nouvel ouvrage. (Le Nouvelliste, 17 février 1854.)
FOLIES-CONCERTANTES.
[…]
Il suffit d’entrer dans la salle des Folies-Concertantes pour s’apercevoir que ce petit théâtre est dirigé par un homme d’intelligence et de goût. On est frappé au premier coup d’œil par l’aspect du luxe et du confortable. La décoration est des plus élégantes, et la façon dont se passe la soirée indique beaucoup d’ordre et de soin. C’est là déjà un grand élément de succès, et l’on peut ajouter que M. Hervé n’a rien négligé pour plaire au public et fixer la vogue.
Le directeur, M. Hervé, est un artiste du plus grand mérite. Il possède un talent multiple. Musicien consommé, excellent instrumentiste, il a conduit, pendant trois années, avec éclat, l’orchestre du théâtre du Palais-Royal. Il est aujourd’hui organiste de l’église Saint-Eustache. Il est en outre compositeur habile et bon chanteur.
M. Hervé a donc tout ce qu’il faut pour mener à bien, et mieux que personne, ce petit théâtre des Folies-Concertantes, qui est véritablement unique en son genre. S’il ne fait concurrence à personne, en revanche, il n’a pas d’analogue dans les spectacles parisiens.
Le privilège comporte les pantomimes, les morceaux de musique instrumentales, les romances et chansonnettes comiques et les scènes à deux personnages.
Comme la musique entre pour beaucoup dans les conditions de ce spectacle, M. Hervé a mis tous ses soins à former son orchestre. Aussi peut-on dire que l’orchestre des Folies-Concertantes est bien supérieur à tout ce que l’on pouvait attendre pour un théâtre de cet ordre.
Vous vous rappelez sans doute le Chevalier de Saint-Georges, charmante comédie de M. Roger de Beauvoir jouée avec le plus brillant succès au théâtre des Variétés. Lafont, qui représentait si bien le personnage étrange du chevalier de Saint-Georges, exécutait ou plutôt figurait un solo de violon. Ce solo de violon, qui chaque soir excitait les applaudissements frénétiques de toute la salle, était en réalité exécuté dans la coulisse par un enfant, petit Bernardin, déjà premier violon à cette époque aux Variétés, et admis en la même qualité, quelques années plus tard, au théâtre du Vaudeville.
L’enfant est devenu home, et son talent a grandi en proportion. C’est à M. Bernardin que M. Hervé a confié la direction de son orchestre et M. Bernardin s’acquitte de cette tâche en maître ; outre qu’il a la science, il a l’énergie, la vigueur, la décision et il sait communiquer son élan et son sentiment artistique aux musiciens placés sous ses ordres. Un de mes amis, assistant avec moi à une représentation des Folies Concertantes, m’a dit ce mot expressif : « Bernardin a l’œil dans l’oreille. » Chaque soir, M. Bernardin exécute un solo de violon, et pour beaucoup de personnes, c’est une des choses les plus intéressantes de la soirée.
Parmi les artistes de la troupe, je dois citer au premier rang Joseph Kelm, ce spirituel et amusant comédien dont les habitués du Gymnase n’ont pas oublié la joyeuse création dans l’Avoué et le Normand. Joseph Kelm est un des maîtres de la chansonnette comique et il a toujours le talent d’exciter et d’égayer l’auditoire le plus froid et le plus sérieux.
Quant à la pantomime, M. Hervé, qui se montre si judicieux dans le choix de ses artistes, a engagé Paul Legrand, le célèbre Pierrot. Paul Legrand est un mime très intelligent ; il est vraiment comédien, il est vif, il est gai, il a l’œil expressif, le geste vrai, il a le rare mérite de faire parfaitement comprendre tout ce qu’il veut dire, et il sait détailler un rôle, jusque dans les moindres nuances, avec beaucoup de finesse.
Paul Legrand est délicieux dans le rôle de Pierrot qu’il remplit dans Arlequin ravisseur, pantomime de M. Maurice Sand, où se déroule une gracieuse broderie de détails comiques. Paul Legrand y fait le récit d’un voyage plein de toutes sortes de péripéties, et vous comprenez aisément les aventures qu’il vous démontre si bien. Il y a une autre scène où Pierrot soigne un enfant nouveau-né, et il y a excité l’hilarité générale. Il a été charmant du reste dans tout le rôle.
Sur les situations variées de cette pantomime, M. Hervé a écrit une musique charmante, expressive et d’un style imitatif des plus remarquables. C’est donc là un très brillant succès pour les Folies-Concertantes.
Darthenay. (Le Nouvelliste, 15 mars 1854.)
FOLIES CONCERTANTES
Déjà, j’ai longuement parlé dans un autre journal, du petit théâtre des Folies Concertantes, et mon premier article laissait concevoir des doutes évidents à l’endroit de sa direction nouvelle. À cette époque, les précédents de l’administration originelle résumaient la cause de mes investigations. Aussi avais-je écrit en toutes lettres qu’à mon sens au lieu de Folies Concertantes on eût du dans l’intérêt de la vérité, appeler cette entreprise bâtardée ; Théâtre impossible. Mais je dus bientôt revenir sur mes prévisions : le successeur de M. Meyer, M. Hervé, n’ouvrit ses portes qu’après de nombreuses et puissantes améliorations. — Il afficha d’abord une troupe composée dans un goût aussi original que susceptible d’attraits ; il débuta par plusieurs pochades mimiques et dialoguées, d’un cachet neuf, et fort amusant. Aussi, quelques jours suffirent à sa popularité dans le monde actif, et à un mois de là, une pantomime en huit ou dix tableaux ayant pour enseigne Arlequin ravisseur, signée Maurice Sand, attira plus de monde que la salle ne put en contenir ; puis vint une scène à deux personnages, la Perle de l’Alsace, un ballet appelé Saltarello, et enfin le Compositeur toqué, trois succès solides où Paul Legrand, Joseph Kelm et de Germy étaient dignes de nos grands théâtres, de la critique de nos maîtres et des bravos de tout le monde. […]
Voici cette fois le genre italien bien établi à Paris, et certes l’idée est heureuse, surtout lorsque des artistes du mérite de ceux dont nous avons parlé sont chargés d’en interpréter les productions. – Il fallait M. Hervé pour parvenir à fonder sérieusement une exploitation de ce genre ; ce n’est pas seulement un directeur, c’est encore un auteur, un compositeur et un acteur capable ; de sorte qu’on peut dire des Folies Concertantes – c’est le théâtre de M. Hervé, la musique de M. Hervé par M. Hervé. – Pourquoi alors n’a-t-on pas mis à son frontispice, Théâtre de M. Hervé, comme autrefois M. Dorsay écrivit le sien : Théâtre de Mme Saqui ? – Il y aurait chance de réputation universelle pour lui ; et, entre nous, M. Hervé la mérite bien, tant par ses productions musicales et littéraires que par son intelligence dramatique.
Charles Worms. (L’Éventail, 2 juillet 1854.)
Il n’y a rien de frais et de plus coquet que la salle des Folies-Nouvelles [nouvelle appellation des Folies-Concertantes], boulevard du Temple. Les habiles décorateurs Cambon et Thierry ont encore trouvé moyen de se surpasser dans ce nouveau travail. Les Folies-Nouvelles, ouvertes depuis trois jours à peine, obtiennent déjà un succès de vogue. On y court de tous côtés pour applaudir Paul Legrand, ce mime inimitable dont la gaîté est si communicative. De charmantes danseuses obéissant à l’archet de Bernardin luttent de grâce avec le corps de ballet de l’Opéra ; et l’ébouriffante fantaisie musicale et chorégraphique intitulée la Fine fleur de l’Andalousie, suffirait pour faire la réputation de MM. Hervé et Joseph Kelm, si cette réputation n’était pas déjà faite depuis longtemps.
(Le Nouvelliste, 26 octobre 1854.)
Nous sommes en retard avec le théâtre des Folies-Concertantes, qui a profité des vacances pour changer d'administration, restaurer sa salle, et quitter son nom de baptême pour prendre celui de FOLIES-NOUVELLES. Heureusement M. Hervé, ce charmant artiste, cet habile compositeur, Joseph Kelm, ce comique spécial et Paul Legrand, l'amusant Pierrot, restent attachés à rétablissement et en assureront le succès. La salle, reconstruite par Renaudin, décorée par Cambon et Thierry, est des plus coquettes et la foule des agents de change et des femmes à la mode s'y donne rendez-vous chaque soir. On y cote les fonds.
(Le Ménestrel, 12 novembre 1854.)
Photo © Archives PBZ
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