Journal
Les Archives du Siècle Romantique (3) – L’origine du trombone ... selon Hervé !
La tournée a débuté en novembre 2015 sur la scène de l’Opéra National de Bordeaux (1) – joli coup de flair de Thierry Fouquet ! – et depuis, en France mais aussi en Belgique et en Italie, Les Chevaliers de la Table ronde de Hervé (photo) – Louis-Auguste-Florimond Ronger (1825-1892) pour l’état civil – font un tabac ! Difficile il est vrai de résister à la savoureuse partition du « compositeur toqué », d’autant que Pierre-André Weitz en signe une mise en scène (2) passablement allumée et d’une contagieuse drôlerie, avec la complicité de la Compagnie Les Brigands et de l’excellent Christophe Grapperon à la baguette (l’indispensable Thibault Perrine signe un bel arragement pour 12 instruments de la partie orchestrale).
Le théâtre de l’Athénée (coréalisateur du spectacle) est enfin prêt pour accueillir les Chevaliers – et retrouver ses chers Brigands ! Avec 14 représentations, du 16 décembre au 7 janvier, la maison de Louis Jouvet promet de faire bien des heureux en pleine période de fêtes et ce sont ensuite Besançon, Limoges et Sénart qui savoureront ce qu'Hervé désignait comme « l’une de ses meilleures partitions ».
Producteur délégué de l’entreprise, le Palazzetto Bru Zane vient une fois de plus de rendre un précieux service à une figure oubliée de la musique française - le véritable père de l’opérette en l’occurrence.
Un bonheur ne venant jamais seul, le PBZ a eu la bonne idée d’accompagner le retour à la scène des Chevaliers d’un petit ouvrage de poche « Hervé par lui-même » (3), qui rassemble divers écrits du compositeur (présentés par Pascal Blanchet). Les Archives du Siècle Romantique, que Concertclassic vous propose chaque mois en collaboration avec le PBZ, n’ont pas résisté au plaisir de vous faire découvrir « l’origine du trombone » selon Hervé, article paru en 1869 dans le Moniteur des Théâtres et des Plaisirs. Où il est question du trombone, entre autres, et où l’on comprend mieux les dispositions particulièrement limitées de Louis-Auguste-Florimond pour la morosité ...
A.C.
Les Chevaliers de le Table ronde © Michele Crosera
De l’origine du trombone
Ceci n’est pas une petite affaire. Titre oblige, et vous supposez bien, cher lecteur, que je ne vais pas ici vous parler de la première chose venue : ou de cuir à rasoir, ou de ma petite maison d’Asnières que je voudrais bien vendre. (25,000 francs, c’est pour rien. Si vous connaissez quelqu’un, vous savez ?...) Bref, nous allons prendre notre sujet corps à corps ; le dépecer, le disloquer, le disséquer, le scalper, l’analyser, le numéroter et le mettre sur pied.
Vous avez d’abord, en entrant, un joli petit jardin de 400 mètres environs, planté d’arbres à fruits : cerisiers, abricotiers, poiriers, cognassiers, etc. Fleurs de toute sorte, depuis l’anémone jusqu’au chou de Bruxelles.
Mais parlons trombone. Trombone vient du mot grec Tartempomme, qui signifie cire à cacheter. Les anciens avaient remarqué cet instrument à la prise de Jéricho. (15,000 ans environ avant la découverte de la gravure sur métaux.) Il était d’une seule pièce, et n’avait pas encore ces coulisses qui font que le trombone s’allonge et se raccourcit à la volonté de l’artiste, lequel a l’air d’avaler et de désavaler son instrument. Les anges, qui en jouaient à Jéricho, n’avaient pas encore trouvé ce perfectionnement, qui, du reste, aurait peut-être nui au côté gracieux de leur attitude.
La cuisine est de plain-pied, donnant sur la basse-cour, où se trouvent sept poules et un coq que je donnerais volontiers par-dessus le marché. Vue sur des jardins ou sur des maisons voisines fort bien habitées. M. M…, riche brasseur, qui a là sa maison de plaisance. Sa dame, fort gracieuse personne, et leur charmant enfant, âgé d’une treizaine d’années, et excessivement fort sur le vélocipède.
Dans le principe, l’embouchure du trombone faisait partie de son unique tube. C’est-à-dire qu’il n’y avait aucune solution de continuité entre l’évasement qu’on applique sur les lèvres et la tige métallique qui lui fait suite. Je ne sais pas si vous comprenez.
Au premier, quatre pièces donnant sur la rue du Maine, laquelle débouche sur la rivière de la Seine. De sorte qu’en vous penchant un peu en dehors des fenêtres, vous pouvez apercevoir, avec une certaine difficulté, les petits bateaux qui vont sur l’eau. Mais cet inconvénient est largement compensé par le voisinage (à gauche) d’un M. D…, commerçant de la rue du Sentier, je crois, canotier enragé, qui donne, dans la belle saison, des fêtes vénitiennes dans son jardin (éclairage à giorno), et qui joue, ainsi que ses invités (sa femme aussi, je crois), et qui joue, dis-je, du cor de chasse toute la nuit. Impossible de vous ennuyer ou de dormir. (Ceci est une facétie, car ce sont des gens bien tranquilles.)
Enfin pour terminer ma digression sur le trombone, les compositeurs notent en clef de fa la musique qu’il est appelé à interpréter. Son étendue est immense ; elle dépend énormément des lèvres des instrumentistes. J’ai entendu des notes d’une gravité exceptionnelle : des pédales de contre si bémol, de la même. Et pour les sons aigus, les gammes courantes peuvent vous mener jusqu’au bout du jardin, où, dans un gracieux kiosque peint en briques rouges, vous trouverez tout ce qu’il vous faut.
Je regrette que la place exiguë qui m’est faite dans ce journal ne me permette pas de m’étendre davantage ; mais peut-être n’en serez-vous pas fâché. (La réputation de modestie que m’a faite le Figaro vous explique cette réticence.) Enfin, pour en finir avec le trombone, cet instrument, pris isolément, en dehors de mes compositions, m’est d’une complète indifférence. Et quant à ma maison, si l’acquéreur est une acquéreuse, je suis disposé à faire quelques concessions, non d’argent (les femmes n’y tiennent pas), mais de temps. La nature bourgeonne, les feuilles verdissent, mes pêchers ressemblent à de jeunes rosiers, et la nouvelle propriétaire pourra entrer immédiatement en jouissance du domaine.
FIN DE L’ORIGINE DU TROMBONE.
HERVÉ
Article initialement publié dans Le Moniteur des Théâtres et des Plaisirs, 1/1 (samedi 27 mars 1869)
(1) www.concertclassic.com/article/les-chevaliers-de-la-table-ronde-dherve-lopera-de-bordeaux-moyen-age-toque-compte-rendu
(2) Ainsi que les costumes et décors, pas moins réussis.
(3) « Hervé par lui-même », écrits du père de l’opérette présentés par Pascal Blanchet (Actes Sud / Palazzetto Bru Zane / 220 p./9,5 €)
Hervé : Les Chevaliers de la Table ronde
16, 17, 20, 22, 23, 25, 27, 28, 30 & 31 décembre 2016 ; 3, 4, 6 et 7 janvier 2017
Paris – Athénée Théâtre Louis-Jouvet
www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/les_chevaliers_de_la_table_ronde.htm
4 et 5 février 2017
Besançon – Scène nationale
www.scenenationaledebesancon.fr/spectacles/chevaliers-table-ronde
17 & 19 février 2017
Limoges – Opéra-Théâtre
www.operalimoges.fr/fr/spectacle/327
28 mars 2017
Sénart – Scène nationale
theatre-senart.com/programmation/musique/chevaliers-de-table-ronde/
Photo © Hervé_Louis Schneider livre Hervé Charles Lecocq_ConsGenève
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