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​« Les Brigands » selon Barrie Kosky à l’Opéra de Paris (Palais Garnier) – Le cul sans la praline – Compte-rendu

 
Quoi que l’on puisse penser du spectacle monté au Palais Garnier par Barrie Kosky, une chose est certaine : le metteur en scène australien a atteint ses objectifs. Dans le programme de salle, il nous apprend qu’Offenbach souhaitait que ses artistes ne sachent pas chanter, et que toute production d’une ses œuvres doit sentir l’ail et la sueur. C’est gagné, la partition est allègrement « bousculée » et le champagne est remplacé par du gros rouge qui tache. Barrie Kosky explique qu’il a découvert l’expression française « Cucul la praline », qui résume bien tout ce qu’il déteste : de fait, s’il a bien évacué la praline, le cul reste présent dans la gestuelle suggestive des danseurs.
 

© Agathe Poupeney - OnP

D’autres articles du programme nous expliquent qu’il existe un bon goût du mauvais goût, et dissertent sur la notion de travestissement : il est vrai que l’on se déguise beaucoup dans Les Brigands, qui dit déguisé dit travesti, qui dit travesti peut sans peine en venir à dire drag-queen, et voilà pourquoi Falscappa, le chef des brigands, devient un clone de Divine (1945-1988), l’égérie du réalisateur John Waters, qui dirige une bande de joyeux lurons dont les tenues seventies évoquent le Big Bazar de Michel Fugain en version non binaire et à paillettes. C’est sans doute une manière d’évoquer la transgression, l’inclusivité. Bref, tout le premier acte paraît bien long et bruyant, les voix sont souvent couvertes par l’orchestre (et par le mouvement du chœur et des danseurs) ou pâtissent d’une diction peu claire, à l’exception de Marcel Beekman, qui portait déjà la robe lors de sa première apparition parisienne, dans Platée en 2014 à l’Opéra-Comique, mais qui témoignait alors d’un tout autre souci de style.
 

© Agathe Poupeney - OnP

Voir un extrait vidéo des Brigands à l'Opéra Garnier <

Les choses s’arrangent un peu après l’entracte, peut-être aussi parce que l’on s’habitue à tout. Les brigands ont quitté leur repaire, et même si l’on ne sortira pas du décor unique en forme de théâtre à l’abandon avec graffitis en tous genres, on change d’univers. Et puis, pendant quelques instants de grâce, on se croit replongé à la grande époque des Offenbach-Pelly-Minkowski, puisque sont réunis en un duo deux des protagonistes de ces spectacles : Yann Beuron, dont on ne se réjouira jamais assez qu’il n’ait finalement pas mis à exécution sa menace de retraite anticipée, et Laurent Naouri, irrésistible en chef des carabiniers. Grâce à ces deux artistes, on entrevoit ce que pourrait être une représentation des Brigands qui ne jugerait pas nécessaire de charger la barque ou de réécrire à peu près tout le texte parlé. L’arrivée de l’ambassade de la princesse de Grenade est un autre grand moment, en forme d’hommage à Vélasquez.
Le troisième acte situera Mantoue dans le noir et blanc d’un film néo-réaliste italien, tout en confiant au Caissier un long discours tissé d’allusions à la politique française des derniers jours, voire des dernières années. Signalons au passage que le personnage en question est interprété non par un ténor mais par la comédienne Sandrine Sarroche, qui réussit malgré tout à chanter le fameux air du Caissier, mais évidemment transposé pour sa voix. Oublions tout scrupule musicologique, et le chef Stefano Montanari s’est fait le complice du metteur en scène, qui tient à ce que la partition sonne comme une musique de cirque.
 

© Agathe Poupeney - OnP 

Vocalement, cela s’arrange aussi au fil de la représentation. Dans son premier air, Marie Perbost est incompréhensible et manque de volume ; Antoinette Dennefeld n’a pas non plus une diction très limpide, mais toutes deux trouvent peu à peu leurs marques. Philippe Talbot dissimule au mieux l’usure de ses moyens derrière l’accent espagnol de Gloria-Cassis. Les plus en voix ont peu à chanter : un seul air pour Mathias Vidal, et presque rien pour Adriana Bignagni Lesca, qui joue néanmoins superbement de sa voix abyssale. Rodolphe Briand est un Pietro plein de verve, Eric Huchet et Franck Leguérinel jouant les utilités. D’ici la fin de la saison (la production sera redonnée en juin-juillet), le spectacle a le temps d’évoluer, mais on doute que la praline y pointe son nez.

Laurent Bury
 

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Jacques Offenbach, Les Brigands – Paris, Palais Garnier,  21 septembre ; prochaines représentations les 24, 26, 27 septembre ; 2, 3, 5, 8, 12 octobre 2024 // 26, 29 juin, 1er, 2, 4, 9, 10, 12 juillet 2024 // https://www.operadeparis.fr/en/season-24-25/opera/les-brigands  
 
Photo © Agathe Poupeney - OnP 

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