La Salle Ovale de la Bibliothèque nationale de France s’ouvre à un concert choral inscrit dans la 3e Saison Musicale Européenne BnF & Radio France, avec la participation du Chœur de la Maison Ronde, sous la conduite de Lionel Sow (photo), son directeur musical, et de l’Ina GRM. Un programme de musique contemporaine, des plus représentatifs des tendances actuelles.
 
Il s’élance par Les Chants de l’Amour de Gérard Grisey (1946-1998), œuvre pour douze voix mixtes et bande créée en 1985. Une manière de classique qui a marqué son époque de la part de ce compositeur dit « spectral ». Pour cette pièce longue d’une trentaine de minutes, le matériau phonétique est formé de citations en dix langues différentes, parfois découpées en voyelles. Quant à la bande magnétique elle est constituée de voix synthétisées et de voix parlées enregistrées et numérisées. En résulte une manière de bruitage vocal et synthétique, où se mêlent les sonorités au point de ne pas distinguer leur source.
 

Lionel Sow et Michèle Reverdy © Christophe Abramowitz / Radio France
 
S’ensuit l’autre grand moment de la soirée : la création mondiale de Thélème de Michèle Reverdy (née en 1943), commande de Radio France (1). Le chœur au complet se répartit cette fois tout autour de la salle, sur un texte en français ancien emprunté au Gargantua de Rabelais avec le significatif « Fay ce que vouldras ». L’effet est séduisant et prenant, distillant des harmonies dissonantes délicieusement entremêlées où le plaisir des mots se varie d’un effet spatial.
 
Après cette excitante double introduction, la page suivante fait appel à la seule bande magnétique pour Médisances de la compositrice d’origine argentine Beatriz Ferreyra (née en 1937) – une ancienne élève de Nadia Boulanger. Brève pièce créée en 1969, d’un effet planant. Et pour final, Mouyayoum – muo:aa:yiy:oum (sic) du Suédois Anders Hillborg (1954), livre dans cette œuvre (de 1983) des onomatopées dans une harmonie lente qui va s’amplifiant jusqu’à une fin évanouie, sur une texture aérienne envoûtante pour le chœur, toujours placé en cercle autour de la salle. Quatre œuvres très différentes, témoignant de l’attachante diversité des compositions actuelles.
 
Le Chœur de Radio France accomplit ses apparitions si spécifiques avec une parfaite coordination, tant en ensemble qu’en parties solistes, stimulé par la direction méticuleuse de Lionel Sow. L’appoint électroacoustique de l’Ina GRM se révèle des mieux appropriés, pour cette soirée contemporaine d’un éclectisme séducteur. Il est seulement dommage que ce concert hors normes ne bénéficie pas d’une retransmission sur France Musique.
 
Pierre-René Serna