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Les festivals multiplient les initiatives citoyennes
Accessibilité, transmission, sensibilisation, solidarité : les festivals tout en maintenant leur vocation d’excellence, redoublent d’imagination pour fédérer et sensibiliser leur territoire et de nouveaux publics. Revue de quelques belles initiatives citoyennes.
« L’accessibilité ne se résume pas uniquement à une politique tarifaire, insiste Bruno Ory-Lavollée, président du Festival des Forêts. Et la gratuité ne suffit pas à diversifier les publics. Si un certain niveau de tarifs élimine, ce sont toutes les propositions qui accompagnent un concert qui participent à son attractivité. » Si beaucoup de festivals font d’importants efforts pour proposer la gratuité ou des tarifs très modérés de tout ou partie de leur programmation (Radio France Montpellier - Région Occitanie désormais -, Flâneries musicales de Reims, Les Arcs ...) tous ont conscience qu’une créativité permanente et un travail vers le public sont nécessaires pour relever le défi de la démocratisation : « Il ne faut pas hésiter à bousculer le milieu de la musique classique, encore trop sage quoiqu’on en dise, résume Bruno Messina, directeur artistique du Festival Berlioz à la Côte Saint-André. Il faut oser être didactique, imaginer chaque année, le programme comme un album de Tintin personnel présentant une nouvelle aventure de Berlioz. »
Atelier pédagogique avec Apollo5 au Festival de la Vézère © D. Courreges
Le travail de séduction peut ainsi porter sur les formats (pas plus d’une heure sans entracte aux Flâneries de Reims, avec ensuite la possibilité de rencontrer les musiciens), le mélange des genres musicaux (un des principes du Festival d’Ile-de-France), l’originalité des lieux faisant appel au patrimoine de la Ville (Reims, Colmar, Beaune, etc.) ou de la région (Sinfonia en Périgord, Septembre musical de l’Orne, Festivals de la Vézère ou d’Ile-de-France). L’accompagnement du public tient désormais un rôle clé avec des rencontres pré-concert au Festival des Forêts ou à Classique au Vert entre autres. Le Festival d’Ile-de-France profite de l’occasion pour fédérer des institutions telles que Science Po ou l’Institut du monde arabe. Enfin, car chaque détail compte, la qualité du programme fourni pour le concert constitue un indispensable outil pédagogique particulièrement soigné à Beaune, à La Côte Saint André, à la Roque d’Anthéron ou à La Chaise-Dieu. « Le maître mot dans l’accompagnement est la pédagogie, reconnaît Marianne Gaussiat, directrice artistique de Classique au Vert. L’appui de musicologues sert de médiateur à l’œuvre. » Dans cette perspective, de nombreux festivals font évoluer le rite du concert, en encourageant les interprètes à s’adresser directement au public ou à en effacer les codes les plus poussiéreux.
Rondes des enfants au Festival de La Chaise-Dieu © B. Pichène
« La sensibilisation des publics sont l’ADN du Festival d’Ile de France, n’hésite pas à affirmer Olivier Delsalle, son directeur artistique. Cela passe par un travail de longue haleine pour la transmission d’une curiosité et d’un savoir ». Partout, les initiatives se multiplient : ainsi, le Festival des Forêts propose des ateliers de sensibilisation baptisés Les P’tites zoreilles (conçus pour les 4-10 ans) et anime un projet pédagogique annuel, De la rivière à l'Océan, impliquant 400 élèves de classes primaire du Compiégnois entre janvier en mai. Les petits flâneurs des Flâneries de Reims se composent de six concerts dédiés au jeune public à partir de 5 ans. Le Festival de La Chaise-Dieu a prévu, en plus de sa journée Jeune Public du 23 août et des ateliers quotidiens en début d’après midi, une semaine de stage d’éveil à la musique classique destinée aux enfants (4-12 ans) du 22 au 27 août. Autre initiative, celle d’Un violon sur le sable à Royan qui outre des répétitions de l’orchestre symphonique ouvertes au public (comme à Saintes), offre un atelier découverte des instruments pour les enfants autour de l’application « Music Crab ». On n’oublie pas les actions de lutte contre l’exclusion avec des concerts dans les maisons d’arrêt, à Reims ou à Compiègne par exemple. « La vraie culture, confie Bruno Ory-Lavollée a besoin que la pratique irrigue toute la société. »
Classique au Vert : miam, quel programme ! © DR
« Il faut clairement définir la frontière entre la pratique amateur et professionnelle, ne serait-ce pour une question de statut (bénévole pour les premiers, rétribués pour les seconds), reconnaît Marianne Gaussiat. Une fois les choses clairement définies, la pratique amateur doit être valorisée. » La « scène amateurs » quotidienne dédié à des musiciens sélectionnés par l’équipe de Classique au Vert a ainsi trouvé son public. Autre pratique, le Classique au Vert Orchestra permet aux membres des ensembles amateurs parisiens de répéter dès juillet avec le chef Marc Hajjar en prévision d’un concert public le 14 août. Ce même principe du concert précédé d’un travail de préparation coaché par un professionnel se retrouve dans le domaine vocal, à Paris avec la chorale « Si on chantait », à Saintes dans le cadre du « Stage Cantate » destiné aux jeunes saintais de 9 à 20 ans, ou encore à Sinfonia en Périgord avec le Chœur Dordogne en Sinfonia. Autant d’initiatives qui permettent aux participants de découvrir leur voix, l’art vocal et polyphonique, et de se produire en public, se frottant ainsi aux exigences du travail professionnel.
Au Festival Berlioz de La Côte Saint-André © Hervé Coste - Le Dauphiné Libéré.
N’oublions pas que l’essentiel des festivals sont issus d’initiatives citoyennes grâce à l’implication de leurs bénévoles à toutes les étapes de la gestion, de la production et de l’accueil des concerts. « Ils constitueraient notre première ligne budgétaire s’ils étaient valorisés dans nos comptes d’associations à but non lucratif, rappelle Bruno Ory-Lavollée. Sans eux les festivals n’existeraient pas ». Nourris de cette formidable dynamique participative, leurs écosystèmes contribuent selon Olivier Delsalle « à l’attractivité des territoires, et au financement vertueux de la création et à de multiples actions de décloisonnement des publics, du patrimoine et des genres musicaux ». Saluons les initiatives solidaires d’Anne Blanchard, directrice du Festival qui à travers les recettes des buffet-dégustation d’avant-concert dans les caves historiques des Hospices de Beaune aident au financement des productions de jeunes ensembles tels que Le Banquet Céleste, Les Accents ou Correspondances, ou encore celle de Jany Macaby, directrice adjointe du Festival de Radio France. Celui-ci propose chaque jour des "billets solidarité" (soit 80 places à 5€ ou 10€) pour assister aux concerts gratuits de 12h30 et 18h dont la recette est reversée au Secours Populaire et à la Banque alimentaire de l’Hérault…
Ceux qui ne veulent pas voir que les festivals restent des laboratoires de lien social à ciel ou cœur ouvert, oublient aussi que les hommes et les femmes qui les dirigent et ceux et celles qui y participent, interprètes ou bénévoles, partagent et réalisent une utopie : celle de l’excellence pour tous.
Olivier Olgan
Photo (en famille au Festival des Forêts) © DR
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