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Les Huguenots au Théâtre de la Monnaie - Meyerbeer prophète à Bruxelles - Compte-rendu
Longtemps porté au pinacle et représenté plus de mille fois depuis sa création en 1836, l’opéra en cinq actes, Les Huguenots de Giacomo Meyerbeer, connut au XXe siècle une désaffection semblable au rejet de l’esthétique du grand opéra français à connotation historique. Seules quelques reprises (souvent en version de concert comme récemment à Madrid) rappelèrent l’existence de cet ouvrage fleuve, au prix de nombreuses coupures destinées à en resserrer l’action. La production du Théâtre de la Monnaie, redonne vie dans son intégralité (plus de quatre heures sans compter les deux entractes) à une partition démesurée (sur un livret de Scribe et Deschamps) qui mêle aux événements tragiques de la Saint Barthélémy des éléments psychologiques dans lesquels les intrigues sentimentales tiennent une grande part et plombent parfois un drame prégnant dans les actes IV et V (la « Bénédiction des poignards » et le duo de la Saint Barthélémy dont Berlioz fit son miel).
Olivier Py a délibérément choisi de jouer la carte de la grandeur sans jamais tomber dans la grandiloquence. Il livre une interprétation théâtrale vibrante où Eros et Thanatos, sexe et religion se confondent dans une vision quasi cinématographique soutenant jusqu’au bout l’intérêt, malgré les surcharges érotiques dont le metteur en scène est coutumier. La scénographie de Pierre-André Weitz située dans un espace stylisé d’un palais Renaissance, les éclairages contrastés entre ombre et lumière de Bertrand Killy, les costumes mariant avec bonheur différentes époques, contribuent à la cohérence de l’entreprise. La direction enthousiaste, généreuse de Marc Minkowski ne lésine pas sur les moyens à mettre en œuvre, au prix parfois de décalages avec les chœurs (d’ailleurs excellents), insufflant à l’orchestre du Théâtre de la Monnaie un élan contagieux, voire une fougue débordante quand l’orchestration de Meyerbeer se fait plus bruyante et envahissante !
La distribution réunie pour ce que l’on a pu appeler la « Nuit aux sept étoiles » demande des chanteurs particulièrement aguerris. Au timbre sensuel de Marlis Petersen en Marguerite de Valois et à l’aisance de la jeune Yulia Lezhneva dans le rôle du page Urbain (aux aigus toutefois un peu verts), répond la tonicité de Mireille Delunsch en Valentine malgré sa difficulté à se fondre aisément dans une tessiture de falcon. Côté masculin, Eric Cutler en Raoul de Nangis prend des risques assumés par un chant bien projeté, Jean-François Lapointe incarne un Comte de Nevers de grand style et à la ligne parfaite, et Philippe Rouillon un Comte de Saint-Bris impressionnant de présence et de perfection déclamatoire au côté de ses fils Arnaud (De Retz) et Xavier (Cossé). Quant à Jérôme Varnier en Marcel, il est cette basse accordée au chant français dont la profondeur et la tenue se révèlent exemplaires. Une réalisation à mettre au crédit des interprètes mais aussi de Peter de Caluwe, directeur du Théâtre de la Monnaie et fin connaisseur des voix.
Coproduits avec l’Opéra National du Rhin ces Huguenots seront repris en mars-avril 2012 à Strasbourg et Mulhouse, avec une autre distribution, permettant ainsi l’ouvrage de Meyerbeer d’occuper la place qui est sienne au Panthéon de l’opéra français.
Michel Le Naour
Meyerbeer : Les Huguenots - Bruxelles, Théâtre de la Monnaie, 19 juin, dernières représentations les 28 et 30 juin 2011. www.lamonnaie.be/fr
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Photo : Clärchen und Matthias Baus
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