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Les Huguenots à l’Opéra national du Rhin - Une cohérence passionnée - Compte-rendu
Il y a longtemps que la musique de Meyerbeer ne fait plus recette en France : jugée indigeste et trop difficile à distribuer, on lui préfère le répertoire baroque, Gounod, Massenet et quelques véristes en oubliant trop souvent que son style ampoulé est un maillon essentiel entre Rossini et Berlioz. Si L'Africaine a fait la gloire de Verrett, Le Prophète celle de Horne et Les Huguenots permis à Sutherland de faire ses adieux au public de Sydney en 1990, les productions récentes ne sont pas légion, exceptée celle de Metz en 2004, ardemment dominée par Rockwell Blake, injustement oublié de nos jours.
Né du désir commun de Marc Minkowski et d'Olivier Py, ces Huguenots d'abord présentés en 2011 à Bruxelles, sont actuellement redonnés à Strasbourg. Dans la fosse Daniele Callegari est indiscutablement le chef qu'il faut pour défendre cette partition, modèle du grand opéra en vogue dans le Paris des années 1830. De l'orgie, aux roucoulades de Marguerite de Valois, en passant par les affrontements terribles qui opposent catholiques et protestants et qui ne prendront fin que dans le sang de la Saint-Barthélémy, le chef italien fait preuve d'une grande maîtrise de l'orchestration, valorise l'écriture disparate du compositeur, en protégeant les chanteurs et en donnant du son dans de grandioses ensembles où viennent s'agréger d'imposantes masses chorales.
Le propos éminemment religieux et romantique, offre à Olivier Py un terrain propice à ses débordements visuels, les relations entre Huguenots et Papistes lui permettant de raconter en symétrie les amours de Raoul et de Valentine. L’action prend forme dans un exceptionnel décor modulable conçu par le prolifique Pierre-André Weitz, dont les façades renaissance stylisées et cuivrées (qui sont la marque de fabrique du créateur), les escaliers vertigineux, les ponts et les arcades transforment à vue l'espace pour le plus grand plaisir des spectateurs. Le mélange des costumes – la fraise côtoie le frac et le chapeau claque – et des époques, la kalachnikov frayant avec l'épée de bois, apporte comme toujours chez le metteur en scène une touche personnelle et originale, son sens de l'image primant cependant toujours sur le jeu, qui peut paraître statique, voire conventionnel.
Comme dans la plupart de ses spectacles Py ne perd jamais une occasion pour montrer la nudité et aborder de front la sexualité (Les Contes d'Hoffmann, The Rake's progress, Le soulier de satin...) ici plutôt bienvenues, la scène d'orgie du 1er acte, exclusivement masculine, l'entrée d'un couple de danseur nus annonçant les libations de trois Vénus botticelliennes au service de la Reine, au second, où encore les poitrines allègrement offertes pendant le très amusant ballet, se prêtant à cet exercice de style. A quelques réserves près, voilà un travail cohérent et sensé qui jamais ne desserre l'ouvrage mais au contraire le porte et le grandit.
Déjà présent à Montpellier en 1990, Gregory Kunde retrouve Raoul qu'il interprète avec une conviction vocale étonnante : le volume demeure écrasant, la tierce aiguë continue d'impressionner, et le chanteur également styliste de premier ordre, montre à quel point la connaissance des règles du bel canto est dans ce répertoire, fondamentale. Laura Aikin qui succède à Annick Massis dans le rôle de Marguerite de Valois, est inattendue : la cantatrice est loin d'être une spécialiste de ce genre musical, mais l'artiste à force de rigueur et de persuasion parvient au fil de la représentation à imposer son chant, ses couleurs et son format vocal à ce personnage de colorature compliqué, auquel elle apporte une belle présence.
A ses côtés Mireille Delunsch prend des risques en se mesurant une nouvelle fois à Valentine, un rôle de caractère, extrêmement tendu, dont elle vient à bout malgré de nombreuses incertitudes, galvanisée par la présence de son partenaire qui la force à se dépasser. Mi-page, mi-groom Karine Deshayes est un espiègle et très bien chantant Urbain, qui trouve à s'épanouir entre Marc Barrard, excellent Nevers, Philippe Rouillon autoritaire Saint Bris et Wojtek Smilek rocailleux Marcel. Impossible de citer un par un les seconds rôles, tous enthousiastes et concernés, comme les choeurs admirablement préparés par Michel Capperon. A quand ces Huguenots sur le sol parisien ?
François Lesueur
Meyerbeer : Les Huguenots – Strasbourg, Opéra, 18 mars. Prochaines représentations les 20, 24 et 28 mars à Strasbourg, puis les 13 et 15 avril 2012 à Mulhouse (La Filature)
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Photo : DR
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