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Les Révélations Classiques Adami aux Bouffes du Nord – Des talents en excellente compagnie – Compte-rendu
L’affaire est depuis longtemps réglée comme du papier à musique et la crise sanitaire n’aura rien changé à l’excellente habitude que constitue la soirée des Révélations Classiques de l’Adami aux Bouffes du Nord. Pas de changement ? Si, et un de taille puisque ce rendez-vous annuel toujours très attendu était accompagné pour la toute première fois de son histoire par un orchestre ; un groupe de 22 jeunes musiciens (parmi lesquels des noms déjà connus, Adrien Bellom, Lomic Lamouroux, Philibert Perrine, Amaury Viduvier, Anna et Magda Sypniewski, d’autres qui ne devraient pas tarder à l’être, tel l’alto racé d’Issey Nadaud) rassemblés pour l’occasion. Pas de chef, mais un vrai Konzertmeister : Yoan Brakha sait emmener ses troupes pour un résultat d’un niveau remarquable. En cette excellente compagnie, quatre chanteurs et quatre instrumentistes participaient à un programme aussi contrasté qu’équilibré.
Sahy Ratia © Quentin Chevrier - Adami
Côté voix, la mezzo Lise Nougier (Révélation 2019), voix longue, homogène et bien timbrée, parvient à immédiatement conquérir l’auditoire avec un « Ah ! Que j’aime les militaires » plein de chien, avant d’éblouir par l’aisance et l’expressivité de ses vocalises dans le « Nacqui all’affano » final de la Cenerentola rossinienne. Mozart n’est pas en reste, le duo « Il core vi dono » montrant une sensible Dorabella face au Guglielmo de Timothée Varon (Révélation 2018). Le sombre baryton et la présence scénique de ce pensionnaire de l’Académie de l’Opéra de Paris s’illustrent quant à eux avec virilité tant dans le «Je t’ai donné la mort » d’Iphigénie en Tauride que le « Hai già vinta la causa » des Nozze di Figaro.
Le ténor Sahy Ratia – que nous avions découvert l’an dernier lors du Printemps de la Mélodie française à Cortot – compte parmi les Révélations 2019 de l’Adami. La soirée aux Bouffes du Nord lui permet d’offrir un large aperçu de son talent. Avec une diction parfaite, la pureté, la simplicité, l’innocence qu’il apporte à l’air « A la voix d’une amant fidèle » (La jolie fille de Perth), montrent, par-delà la solidité des moyens, la musicien consommé auquel on a affaire. Solaire en diable, sa Danza de Rossini ne convainc pas moins, comme son Alfredo dans le « Un di felice » de la Traviata avec la Violetta de Marianne Croux.
Avant ce duo, la soprano franco-belge, Révélation Adami 2017 et ancienne pensionnaire de l’Académie de l’Opéra de Paris, a remporté tous les suffrages dans le « Stridono lassù » de Nedda (I Pagliacci), servi par une voix aussi souple que variée dans la palette expressive. Des qualités qui brillent plus encore dans l’air du Cours la Reine de Manon, d’un style et d’une intelligence psychologique admirables.
Marianne Croux © Quentin Chevrier - Adami
Egal bonheur du côté des instrumentistes. Révélation 2018, le violoncelliste Raphaël Jouan (photo), passé par la Classe d’Excellence de Gautier Capuçon à la Fondation Louis Vuitton, s’attaque à la Rhapsodie hongroise op. 68 de David Popper. Lassan aussi poète que narratif, frischka enlevée avec brio et caractère : quel chic ! On se laisse aisément emporter aussi par le final du Concerto n° 1 de Beethoven sous les doigts de Rodolphe Menguy (Révélation 2018) tant le pianiste plonge instantanément au cœur de son sujet et délivre une radieuse interprétation de ce piaffant rondo, en parfaite entente avec l’orchestre.
Second volet du triptyque Baal Shem de Bloch (originellement pour violon et piano), Nigun porte la mention « improvisation ». L’archet d’Alexandre Pascal (Révélation 2018) ne perd jamais cette dimension de vue dans une approche mêlant liberté de ton et intensité lyrique.
Le Pantoum du Trio de Ravel, par les trois interprètes précités, plein de vie et de mordant, apporte un intermède chambriste dans le cours d’une soirée qui ne comporte qu’un seul souffleur parmi les lauréats sélectionnés. Mais quel ! Le bassoniste Rafael Angster (Révélation 2019) est connu en tant que membre de l’Ensemble à vent Ouranos – et comme fervent avocat du basson français ! On comprend que l’on a affaire à un chambriste accompli en découvrant la relation complice que le soliste établit d’emblée avec l’orchestre dans l’Andante et Rondo all’ungarese op. 35 de Weber, rare ouvrage (de 1813) où la netteté et la variété de ses attaques, comme son imagination sonore, font mouche.
Barcarolle des Contes d’Hoffmann avec les quatre chanteurs pour conclure en beauté une soirée chaudement applaudie.
Alain Cochard
Paris, Théâtre des Bouffes du Nord, 14 octobre 2020
Photo © Quentin Chevrier - Adami
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