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Li Jian en récital à Gaveau - Pudique ferveur - Compte-rendu
Les étudiants de l’UFR de Musicologie de la Sorbonne font preuve de sens de l’initiative et de curiosité. C’est à eux en effet que l’on doit l’organisation d’un récital de Li Jian à Gaveau, artiste majeur de la scène chinoise, bien trop rare à Paris. Plus jeune candidat et 2ème Prix du Concours Long-Thibaud en 1981, le pianiste a par la suite travaillé avec Pierre Sancan à Paris, puis auprès de Mieczyslaw Horszowski au Curtis Institute de Philadelphie – et s’est par ailleurs formé à la direction d’orchestre avec le Finlandais Jorma Panula. Li Jan a été le premier musicien de Chine continentale à se produire à Taïwan en 1989 et est aujourd’hui directeur du département de piano du Conservatoire de Shanghai.
Rondo en la mineur de Mozart : un poète prend la parole avec une pudeur, une sensibilité, et une qualité de phrasé qui donnent immédiatement le ton. On s’embarque sans hésiter pour un voyage qui se poursuit avec la fameuse Sonate « Pathétique », aussi étrangère à l’effet et au pathos que pleine de lyrisme et de vie intérieure (remarquable progression dramatique dans le mouvement initial !). Ce n’est pas tous les jours qu’un pianiste est capable de vous faire entendre l’Opus 13 autrement…
La palette sonore raffinée de Li Jian le prédispose naturellement au répertoire français, ce que confirme la première série d’Images de Claude Debussy dont l’artiste fait siens les reflets et chatoiements avec une science de timbres appuyée sur une technique de pédale admirable. Dans le prolongement des trois pièces de Claude de France, les Eight Memories in Watercolor de Tan Dun (ouvrage que leur dédicataire interprète ici en première française) trouvent naturellement leur place et Li Jian sertit ces délicates miniatures avec un tact infini – avec l’humour requis aussi quand cela s’impose (ex. Staccato Beans) !
Le caractère « symphonique » de la Sonate n°3 de Johannes Brahms est parfois prétexte à des approches « à l’arrache », d’une « efficacité » plutôt brouillonne. C’est tout le contraire que propose Li Jian dans une interprétation donc le caractère construit et toujours dominé n’exclut aucunement le sentiment. Une fois de plus une très intelligente pédalisation permet à l’exécutant – et à l’auditeur – de voir parfaitement clair dans le déroulement du complexe tissu musical brahmsien. Pudeur et ferveur passent la plus concluante des alliances dans cet Opus 5 d’un parfait aplomb rythmique, sans un trait « boulé », et porté par un authentique souffle poétique - quelle intériorité du chant dans l’Andante et l’Intermezzo ! - jusqu’au terme de l’Allegro final, moderato ma rubato comme souhaité par Brahms.
De Li Jian nous ne connaissions jusqu’ici que le nom. Une découverte et un grand moment de bonheur musical !
Alain Cochard
Paris, Salle Gaveau, 11 octobre 20h30
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Photo : DR
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