Journal
L’Opéra national du Rhin et le Jeune Public – La carte de l’avenir
Commencée le 16 décembre dernier à Colmar, la tournée de la Cendrillon d’Ernesto Wolf-Ferrari par les jeunes chanteurs de l’Opéra Studio, dans une mise en scène de Marie-Eve Signeyrole(1) et sous la direction de Vincent Monteil, se termine à Mulhouse les 30 et 31 janvier. C'est l’occasion de mettre l’accent sur le remarquable travail travail mené de façon générale par l’Opéra national du Rhin en direction du jeune public. Du primaire aux étudiants, de 5 à 26 ans, 27 000 jeunes par saison sont d’une manière ou d’une autre concernés et la part du jeune public dans la fréquentation globale est passée de 25 à 30 % depuis 2009.
Ce chiffre doit évidemment beaucoup au lancement, lors de l’arrivée de Marc Clémeur à la direction générale de l’OnR en 2009, d’une politique d’opéras pour enfants, avec le concours des voix de l’Opéra Studio (la structure de formation de l’OnR, installée à Colmar et dirigée par Vincent Monteil). Aladin et la lampe merveilleuse de Nino Rota, dans une mise en scène très réussie de Waut Koeken, avait constitué le point de départ d’une entreprise qui, précise Flora Klein (responsable du département Jeune Public de l’OnR), « vise le public des 5-13 ans autour de la thématique des contes, parce que ceux-ci parlent aux enfants, sont initiatiques et permettent de se forger une identité, de se construire un sens critique. Les jeunes chanteurs de l’Opéra Studio sont systématiquement impliqués dans l’opéra pour enfants donné chaque saison. Une expérience très formatrice pour les chanteurs, ceux nouvellement arrivés particulier, car ils doivent être prêts pour une production qui démarre dès la mi-décembre et totalise une moyenne de 25 représentations, réparties entre Colmar, Strasbourg et Mulhouse. »
La présence de jeunes artistes représente un atout vis à vis du public concerné. « L’identification avec les enfants marche très bien, constate F. Klein. Etant donné que les chanteurs sont à domicile, les enfants peuvent les suivre, les rencontrer durant la saison lors des concerts pédagogiques. »
Et l’on n’oublie pas que, de l’Aladin de Nino Rota à la Cendrillon de Wolf-Ferrari, les productions de l’Opéra Studio auront, de surcroît, servi de tremplin à de jeunes metteurs en scène talentueux, mais aussi offert une expérience de la fosse à des étudiants du Conservatoire de Strasbourg, systématiquement impliqués pour la partie orchestrale.
Véritable centre de production d’opéras pour enfants, l’Opéra Studio constitue, pour un observateur extérieur, l’aspect sans doute le plus visible des initiatives de l’Opéra national du Rhin en direction du jeune public, mais celles-ci ne s’y réduisent pas : environ 150 projets pédagogiques sont chaque saison menés à l’OnR, autour de l’opéra et, bien évidemment aussi, du ballet.
« Le point de départ de tout projet, c’est la venue à un spectacle, souligne F. Klein. Les groupes qui passent par l’Opéra assistent forcément à un spectacle lyrique ou chorégraphique. Les choix des projets sont effectués en mai-juin pour la saison suivante. Nous avons un vivier de professeurs qui nous suivent depuis des années, parce qu’ils adorent l’opéra et se rendent compte de l’intérêt qu’il suscite auprès de leurs élèves, mais nous allons aussi chercher de nouveaux professeurs chaque saison.
« A la rentrée les projets pédagogiques se mettent en place. Venir à l’Opéra avec groupe scolaire réclame un travail de préparation en amont : nous mettons à la disposition des professeurs des dossiers pédagogiques (téléchargeables en ligne) avec des extraits musicaux.
« A côté des « projets pédagogiques », les « activités pédagogiques » de l’OnR remportent un franc succès aussi. Mon collègue Hervé Petit, médiateur culturel au département Jeune Public, ou moi-même nous chargeons de visites du théâtre, d’une durée d’une heure et demie. Elles débutent par un historique du bâtiment, puis nous passons sur scène pour l’explication de la manipulation des décors, etc., et enfin aux loges. L’après-midi, les enfants peuvent assister à une répétition avec piano. Nous nous adressons à des groupes venus de toute la Région, mais aussi, parfois, d’Allemagne.
Cendrillon (m.e.s Marie-Eve Signeyrole) © Alain Kaiser
« Il est important de souligner, poursuit F. Klein, que tous nos projets sont à géométrie variable, nous nous adaptons aux demandes car nous avons la chance de disposer d’une maison dont les « portes d’entrée » sont infinies, compte tenu du grand nombre de corps de métiers impliqués. Nous avons même des terminales qui viennent faire des mesures acoustiques avec leur professeur de physique et qui ensuite assistent à un spectacle.
« Quant au ballet, il fait l’objet d’un travail spécifique : les groupes découvrent les danseurs pendant leur échauffement, puis assistent à une répétition. Nous accueillons aussi les jeunes au Centre chorégraphique National, à Mulhouse, dans l’espace de vie, de travail des danseurs. Autre point important, Pasquale Nocera, ancien danseur du Ballet de l’OnR, a été chargé de l’action pédagogique autour du ballet. Il se rend dans les établissements scolaires, pour des séances en amont ou en aval des spectacles que les enfants vont ou sont venus découvrir. »
Le sens de l’adaptation du département Jeune Public de l’OnR se manifeste aussi face à la production proposée chaque année par l’Opéra Studio. « Nous avons la volonté d’accueillir un metteur en scène et d’assumer son parti pris, la couleur qu’il souhaite donner au conte que nous avons choisi, remarque F. Klein. Les contes se prêtent particulièrement bien à la multiplicité des expressions et des interprétations. »
Plus sombre que les spectacles proposés par l’Opéra Studio les années précédentes - mais le conte de Grimm dont Wolf-Ferrari s’inspire est très noir - la Cendrillon mise en scène par Marie-Eve Signeyrole a pu surprendre. «Nous avons informé les professeurs de ce qu’ils allaient découvrir (ils pouvaient, s’ils le souhaitaient, assister à la générale) et ils ont trouvé des angles d’attaque, historiques par exemple avec le mur de Berlin. Nous avons effectué un travail d’information plus poussé que les saisons précédentes et nous nous rendons compte que cela a été très utile et que le spectacle est bien reçu par les enfants et par les enseignants.»
Le titre du prochain opéra pour enfants de l’Opéra Studio ne sera connu qu’on moment de l’annonce de la saison 2016-2017 de l’OnR. Gageons qu’une fois de plus le jeune public sera séduit, mais aussi les curieux de raretés lyriques, qui découvrent en général des partitions en création française. Enfin, à l’action en direction des 5-13 ans il convient d’ajouter celle en faveur des grands collégiens, des lycéens et des étudiants dans le cadre des spectacles tout public. Sur une jauge de 1142 places à l’Opéra de Strasbourg, une centaine leur est systématiquement réservée (à des tarifs entre 6 et 12 €). Et lorsqu’une forte demande sur un ouvrage très populaire oblige à réduire ou supprimer ce quota, l’ouverture (gratuite) de la pré-générale tient lieu de compensation. Pas question de décevoir le public de demain.
Pour l’heure, profitez si vous en avez la possibilité des deux dernières dates de Cendrillon à Mulhouse !
Alain Cochard
(Entretien avec Flora Klein réalisé le 13 janvier 2016)
(1) Lire le CR : www.concertclassic.com/article/cendrillon-de-wolf-ferrari-par-lopera-studio-de-lonr-entre-noirceur-et-onirisme-compte-rendu
Ernesto Wolf-Ferrari : Cendrillon
30 janvier 2016 – 20h
31 janvier 2016 – 15h
Mulhouse – La Sinne
www.concertclassic.com/concert/cendrillon-de-wolf-ferrari
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