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L’Orchestre de Cleveland à la Philharmonie de Paris – Coûte que coûte – Compte-rendu
La 6e Symphonie de Mahler est un tournant majeur dans l’histoire de la symphonie, et dans l’écriture du compositeur, et c’est à ce titre qu’on s’étonne ou s’émerveille de ses multiples va et vient, de ses décalages, de ses dissonances, de sa formidable mobilité qui la fait se retourner incessamment, sans douter pourtant. Car Mahler n’est pas un rêveur, mais un chercheur dictatorial. Pour un chef et pour un orchestre, cette symphonie représente donc un formidable voyage à tenter dans la complexité de la structure musicale, la pensée d’un homme et la pluralité d’inventions mélodiques et instrumentales qui ne cessent de surprendre, et parfois de choquer.
Formation de celles que l’on dit mythiques, depuis que George Szell s’en empara et la façonna, l’Orchestre de Cleveland est là au faite de ses moyens virtuoses et l’Autrichien Franz Welser-Möst (photo) ne faillit pas à sa mission, lui qui les dirige depuis seize ans. Le chef est un brucknérien et un straussien accompli – on se souvient notamment d’un superbe enregistrement de la Symphonie alpestre chez Emi classics. Mais point de romantisme effervescent, là où un chef plus poète aurait laissé flotter des doutes, créé des moments suspendus : il va coûte que coûte, contre vents et marées, commençant sur une battue militaire, presque brutale, qui s’impose avec une violence orageuse.
Analytique, et l’œuvre l’impose, il mène la symphonie comme un combat, pressé de le gagner, et ne se laisse guère envahir par la douceur navrée de l’Andante par exemple, alors qu’il déroule l’immense mouvement final comme une danse de mort échevelée. Tout cela est d’une dureté oppressante et ne parvient pas à émouvoir, tandis que l’orchestre déclenche avec une perfection d’airain ses marteaux, cloches, glockenspiel et autre xylophone – on ne peut oublier la féroce caricature montrant Mahler s’écriant « j’ai oublié le klaxon ! ». Etrange et impassible Welser-Möst, avec son fin visage resté juvénile, entre Mozart et Harry Potter, sa mousse de cheveux blancs qui n’attendent que le catogan, il jongle avec les sonorités, les rythmes d’enfer, comme un sorcier devant sa marmite. On aurait aimé qu’il sût aussi frémir.
Jacqueline Thuilleux
Paris, Philharmonie, 16 octobre 2017
Photo © Roger Mastr
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