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L’Orchestre Français des Jeunes fête ses 40 ans – Le talent et l'enthousiame – Compte-rendu
Que de travail accompli en quatre décennies ! Fondé en 1982 à l’initiative de Maurice Fleuret, l’Orchestre Français des Jeunes a été digne de la mission d’orchestre-école qu’il s’était assignée : compléter l’enseignement dispensé dans les conservatoires afin de mieux préparer les jeunes instrumentistes au métier de musicien d’orchestre. En quarante ans, quelque 2800 instrumentistes au total ont pris place dans ses rangs et eu la chance de travailler sous la conduite de remarquables directeurs musicaux (sans parler des solistes de renom ayant participé à l’aventure). Après Jérôme Kaltenbach en 1982-1983, on a ainsi vu se succéder des chefs tels qu’Emmanuel Krivine, Sylvain Cambreling, Marek Janowski (1992-1998 ; sous le mandat duquel l’OFJ est passé d’une à deux sessions annuelles), Jésus López Cobos, Jean-Claude Casadesus, Kwamé Ryan, Dennis Russel Davies, David Zinman, Fabien Gabel et, depuis l’an dernier le Michael Schønwandt (photo). En parallèle, en 2006, à l’initiative de Dominique Meyer, l’Orchestre Français des Jeunes Baroque est né et prend depuis 2019 la forme d’une session consacrée au jeu et répertoire classique – la pertinence de ses objectifs a encore été démontrée au début du mois dernier sous la direction de Julien Chauvin.
L’OFJ a 40 ans et l’aventure se poursuit avec un enthousiasme intact, comme on a pu en juger lors d’un concert à la Philharmonie de Paris. Michael Schønwandt est donc l’actuel directeur musical de la formation : une forme de quadrature du cercle à ce poste. Le maestro danois allie en effet l’expérience d’une admirable baguette – on sait les merveilles qu’elle a accomplies à Montpellier ... –, une grande exigence musicale et une vraie passion pour la pédagogie, sans parler de beaucoup d’empathie et de simplicité. Forts d’une session d’été déjà très productive, les jeunes musiciens et leur chef se sont donc retrouvés (à Compiègne), pour une seconde session 2022 entièrement occupée par la musique française.
Le Carnaval romain de Berlioz ouvre le concert (1) et souligne d’emblée une cohésion remarquable. Avec un orchestre à ce point à l’écoute, Michael Schønwandt n’a aucun mal à mettre en valeur la solaire énergie de la pièce. On attendait Adèle Charvet dans le Poème de l’amour et de la mer... La grippe en a décidé autrement et Marie-Laure Garnier est venue palier la défection de sa collègue. Un remplacement de toute dernière minute qui rend d’autant plus admiratif du résultat, même si la soprano est familière de ce répertoire – et de la partition d’Ernest Chausson qu’elle a enregistrée en version de chambre avec le Quatuor Hanson et Célia Oneto Bensaid (2), dans un bel arrangement pour cordes et piano signé Franck Villard.
Marie-Laure Garnier © William Beaucardet
Loin de l’uniformité sépia dans laquelle le Poème s’offre parfois, l’interprétation se distingue par l’intensité des couleurs de l’orchestre. Complice, expressif (les interventions du violoncelle solo !), il porte idéalement la riche voix d’une soliste qui sait traduire le processus de transformation psychologique décrit par les vers de Bouchor, jusqu’à une déchirante quoique jamais emphatique « mort de l’amour ». Longue ovation tant pour les jeunes musiciens et leur chef que pour Marie-Laure Garnier, qui confirme une fois de plus sa place parmi les très grandes chanteuses françaises de la nouvelle génération.
Liesse : le titre de la pièce (en création mondiale) écrite par Suzanne Giraud pour les 40 ans de l’orchestre donne le ton d’une musique qui fait dialoguer l’orchestre avec deux quintettes instrumentaux (chacun constitué de cordes et vents) installés dans les hauteurs de la salle pour des jeux de résonances. Battements de pieds, claquements de mains, exclamations se mêlent aux notes pour un résultat aussi contrasté que festif.
© William Beaucardet
D’un matin de printemps assure la transition vers le Ravel conclusif. C’est l’une des toutes dernières réalisations de Lili Boulanger (elle en acheva l’orchestration moins de deux mois avant sa mort) ; une musique claire et fragile dont Michael Schønwandt traduit le frémissement des timbres autant que les ambiguïtés.
On ne pouvait imaginer meilleur choix que la 2e Suite de Daphnis et Chloé pour conclure le concert des 40 ans : d’un bout à l’autre de ce Ravel, comme de tout le programme d’ailleurs, le niveau global de l’orchestre aura autant forcé l’admiration que celui des interventions solistes. Magie du Lever du jour (ces flûtes !), Pantomime d’une poésie et d’une finesse de détail époustouflante, Danse générale puissante, enivrante, mais dominée et jamais tape-à-l’œil. L’accueil chaleureux du public lui vaut une exubérante Joyeuse Marche de Chabrier en bis.
Quant à 2023, la prolongation du mandat de Michael Schønwandt – tout comme de celui de Julien Chauvin à l’OFJ Baroque – ne pourra que réjouir les mélomanes autant que les membres de la formation.
Alain Cochard
Paris, Philharmonie, 11 décembre 2022 // www.ofj.fr/
(1) Rendez-vous parisien auquel s’ajoutaient des rendez-vous à Compiègne (9/12) et à Ludwigburg (Allemagne, 13/12)
(2) Le programme de cet enregistrement, à paraîte prochainement, comprend en outre La Bonne Chanson de Fauré, la Chanson perpétuelle de Chausson et les Trois Chants nostalgiques de Charlotte Sohy / « Chants nostalgiques » - 1 CD B. Records / L’Estran Live (LBM 048)
Photo © William Beaucardet
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