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L’Orchestre philharmonique de Radio France et François-Frédéric Guy en clôture du festival Présences 2022 –Final fastueux – Compte-rendu
Au grand complet, l’Orchestre philharmonique de Radio France se déploie à l’Auditorium de la Maison de la Radio lors du dernier concert du festival Présences. Deux chefs, Brad Lubman (photo) et Edo Frenkel, sont requis pour la partition qui ouvre la soirée.
Création française d’une œuvre datée de 1988, Timepieces de l’Anglais Jonathan Harvey (1939-2012) stipule bien la présence de deux chefs d’orchestre afin de réaliser la désynchronisation de deux temporalités. Chaque chef se voit ainsi attribué un groupe d’instruments, cordes et piano contre vents et percussions, avec chacun sa propre vitesse. L’effet s’ensuit, qui ouvre une perspective sonore inédite dans la matière diffuse de cette œuvre en trois parties, voguant de la superposition à la pulsation et à un temps étiré sans statisme. Une œuvre majeure assurément, qui illustre bien la thématique ambiguë de son titre.
Suivent non moins de trois créations mondiales. Commande de Radio France, Autre Nature de Jean-Luc Hervé (né en 1960), pour orchestre et dispositif électronique (avec la collaboration du CIRM de Nice et la réalisation informatique musicale de Camille Giuglaris), retrouve comme pour les œuvres suivantes un seul chef, Brad Lubman, ici dans une esthétique bruitiste mêlant percussions et glissandi. Une partition étonnante qui ne manque pas son effet.
Succède, après l’entracte, Ensauvagement de Samir Amarouch (né en 1991), autre commande de Radio France. Œuvre vrombissante, percée de crissements et d’ostinatos, et autre dépaysement sonore.
Enfin, pour finir en beauté et en bonne place, la dernière page du concert revient à Tristan Murail, le compositeur honoré par l’édition 2022 de Présences. L’Œil du cyclone, Fantaisie-impromptu pour piano et orchestre, est pour sa part une commande conjointe du NHK Symphony Orchestra, du NDR Elbphilarmonie Orchester, du BBC Symphonic Orchestra et de Radio France, créée en cet Auditorium de la Maison ronde. La Fantaisie-impromptu en ut dièse mineur de Chopin est à la source de l’inspiration, à travers une couleur quasi romantique dans son jeu de timbres, son fondu entre orchestre et piano, ce dernier d’un transport lyrique et évocateur. Œuvre manifeste en quelque sorte, et des plus séduisantes, témoignage de l’inspiration renouvelée du compositeur justement célébré par Présences.
François-Frédéric Guy tient la partie soliste pour cette dernière page, d’un piano délié virtuose dont il a le talent et le secret. L’orchestre répond sans faillir au cours de la soirée, sous une battue enlevée, de Lubman conjuguée à celle de Frenkel en première partie. Un moment de choix, dans un contour musical fastueux.
François-Frédéric Guy était également présent la veille, pour un récital mêlant Debussy et Murail – comme le fait le disque à paraître prochainement chez La Dolce Volta. (1) Impression, Soleil levant et Le Misanthrope constituent deux créations mondiales, associées à Mémorial, Résurgence, Cailloux dans l’eau du même Murail. Brouillards, La Puerta del vino, Ondine, Reflets dans l’eau et Feux d’artifice de Debussy tiennent compagnie, dans une succession sans rupture tant le langage musical se révèle apparenté. On retrouve ainsi d’une page à l’autre une même couleur impressionniste, qui joue dans les deux cas du reflet et de la résonance, avec citations obligées chez Murail, pour un parcours voyageur de ce concert marathon porté par les doigts toujours inspirés du pianiste.
Pierre-René Serna
(1) « Révolutions » (Debussy/Murail) à paraître le 4 mars chez La Dolce Volta (LDV 110) bit.ly/3rDxckP
Photo © Peter Serling
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