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Los elementos d’Antonio Literes au Festival de Potsdam-Baroque revu et corrigé flamenco - Compte-rendu
Au cœur de cette édition du Festival de Potsdam, illustrant la thématique de « l’eau, la terre, l’air et le feu », trônent quatre représentations de Los elementos. Comme de juste, puisque cet opéra espagnol, daté vers 1705, décline précisément le thème des quatre « éléments » qui composent théoriquement l’univers. Los elementos, « opéra harmonique », fut composé par Antonio Literes (1673-1747), musicien attitré de la cour d’Espagne, où il succède à ce poste à Sebastián Durón (1). Il est ainsi l’auteur de nombreux ouvrages lyriques (zarzuelas et opéras, à une époque où se distingue peu l’une de l’autre), comme de multiples autres compositions religieuses et profanes.
Los elementos s’apparenterait à une manière de cantate scénique, dont le sujet n’est qu’un prétexte à la musique, pour une œuvre présentée certainement lors d’une cérémonie ou occasion royale (2). Les personnages allégoriques, l’Air, la Terre, l’Eau et le Feu, mais aussi le Temps et l’Aurore, se présentent successivement, puis se confrontent et s’agitent au cours de la nuit dans l’attente espérée de l’arrivée du soleil (symbole royal, à n’en pas douter). Nous sommes donc en pleine convention mythologique, comme il se doit pour l’opéra (ou la zarzuela) baroque (3). Se succèdent ainsi arias da capo échevelés ou en forme de traditionnel villancico espagnol, duos, trios et quatuors, allant de la sérénité à la dramatisation puis l’apaisement, suivant les évolutions de la trame. Mais c’est leur traitement musical qui en fait tout le charme, au sens fort, alternance contrastée de variations rythmiques, de changements abrupts de métriques, d’harmonies recherchées aux chromatismes audacieux, qui signent l’art de ce grand compositeur qu’était Literes.
© Musikfestspiele Potsdam Sanssouci / Stefan Gloede
Dans l’Orangerie de Sans-Souci, la restitution musicale est à la charge de cinq chanteurs solistes éprouvés, soutenus par les huit instrumentistes de l’ensemble Le Tendre Amour, formation baroqueuse basée à Barcelone (malgré son nom). Il n’est que d’en louer l’interprétation ! María Hinojosa et Luanda Siqueira (chanteuse d’origine brésilienne résidant à Paris), explosent littéralement, de leur projection et technique assurées. Marta Valero, Marina Pardo et le baryton Hugo Oliveira les égalent en vaillance et constance. Et tous dans un style approprié qui conjugue émission baroqueuse joliment filée et élocution parfaitement lancée. Sous la direction de Esteban Mazer, ces éléments vocaux sonnent à ravir dans l’écrin de leur parure instrumentale – un peu grêle peut-être, ne sachant trop l’instrumentarium d’origine, vraisemblablement plus fourni.
Seulement… Seulement, on ne saurait dire que l’œuvre est fidèlement respectée. Il faut donc compter avec l’adjonction de pages qui lui sont étrangères, pièces instrumentales à caractère de danses tirées de Gaspar Sanz (1640-1710) ou Santiago de Murcia (1673-1739), compositeurs espagnols baroques certes, mais qui ici n’ont que faire. On s’étonne aussi de l’insistance de la percussion, alors que seules de parcimonieuses castagnettes semblent prévues par la partition.
© Musikfestspiele Potsdam Sanssouci / Stefan Gloede
La raison ? Elle réside dans la mise en scène, qui tient absolument à présenter une image espagnole typique (típica ?), selon des chromos touristiques usés, avec robes à volants et flamenco obligés. Intervient alors, de plus, un couple de danseurs de flamenco, excellents par ailleurs (Carolina Pozuelo et Miguel Lara), qui percutent régulièrement le sol de leur zapateado, frappe cadencée des talons. Couvrant sans ambages la musique et sans autre prévenance, dans l’acoustique déjà délicate de cette salle de l’Orangerie. Adrián Schvarzstein, venu du théâtre de rues et du cirque (où il a été clown – serait-ce l’explication ?), a choisi de planter l’action dans un bar façon Espagne années 60. Pourquoi pas ?... Sinon que l’intention se fait lourde, dans une espagnolade de caricature outrée, avec force gags à la manière d’un Almodóvar mal digéré. Et sinon que cela va contre l’esthétique aristocratique de l’œuvre, comme aussi contre son sujet et sa musique. Mais propre à enthousiasmer un public germanique, qui rit aux éclats et fait un triomphe tapageur. Car, reconnaissons-le, la mise en scène reste toutefois bien réglée, dans son décor, ses mouvements et ses éclairages, et certaines situations s’avèrent amusantes. Est-ce un motif suffisant, hors ses interprètes musiciens, pour la reprise de cette production étrennée en 2011 au Festival Trigonale de Klagenfurt en Autriche ?... La púrpura de la rosa, production maison donnée il y a deux ans en ce même festival et autre opéra espagnol baroque, témoignait d’une réalisation scénique autrement circonstanciée et convaincante (4).
Pierre-René Serna
(1) Lire le CR : www.concertclassic.com/article/sebastian-duron-au-teatro-de-la-zarzuela-de-madrid-le-beau-meconnu
(2) À noter que Los elementos a été représenté tout récemment, au mois de mai dernier, au New York City Opera. Et l’opéra est annoncé pour la prochaine saison du Teatro de la Zarzuela de Madrid, du 9 au 16 avril 2018.
(3) Les Éléments (1721), opéra-ballet de Delalande et Destouches, serait d’une veine similaire.
(4) Lire le CR : www.concertclassic.com/article/la-purpura-de-la-rosa-de-torrejon-y-velasco-au-festival-de-potsdam-une-lecon-compte-rendu
Antonio Literes : Los elementos – Festival de Potsdam, Orangerie du château de Sans-Souci, 16 juin 2017
www.musikfestspiele-potsdam.de
À écouter, deux enregistrements de l’œuvre : par Al Ayre Español, sous la direction d’Eduardo López Banzo, chez Deutsche Harmonia Mundi ; par la Capella de Ministrers, sous la direction de Carles Magraner, chez Licanus.
© Musikfestspiele Potsdam Sanssouci / Stefan Gloede
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