Faut-il réhabiliter la Manon Lescaut qu’Eugène Scribe et Daniel-François-Esprit Auber (1782-1871) firent paraître sur la scène de l’Opéra-Comique le 23 février 1856 ? Le compositeur, septuagénaire, n’y aura pas laissé sa meilleure musique, ni le librettiste sa meilleure poésie, très occupé à masquer les dévoiements du roman de l’Abbé Prévost qui n’est d’ailleurs qu’évoqué.
Ce « portrait de Manon » est l’occasion de grands numéros de soprano colorature brillants, d’une écriture leste qui cherche avant tout l’éclat sinon dans l’air final de la frivole où soudain parait une mélodie d’une simplicité et d’un charme qui rappelle tout le génie d’Auber. L’ouverture fait entendre une paire de dissonances surprenantes, au troisième acte, la Chanson créole met une touche d’exotisme bien dans l’air du temps  mais ailleurs le musicien fait un théâtre de parade plutôt froid, loin de la finesse du Domino noir ou des inventions du Cheval de bronze.

Daniel-François-Esprit-Aubert © DR

C’est dire si tout reposera sur les interprètes. Evidemment l’Opéra Royal de Wallonie monte l’œuvre pour Sumi Jo dont la colorature pleine de caractère s’était déjà illustrée chez Auber dans ce Domino Noir où son Angèle d’Olivares avait fait sensation.
Elle aura fort à faire côté virtuosité avec Manon, mais créera-t-elle un personnage ? On surveillera le Des Grieux  d’Enrico Casari, logiquement tenté par un certain belcanto qui pourrait renouveler l’approche du rôle, les comprimari semblent parfaits, la baguette informée de Cyril Englebert, l’un des espoirs de la nouvelle génération parmi les chefs dévoués à l’Opéra, toute à son œuvre. Paul-Emile Fourny mettra-t-il des visages sur les marionnettes d’Auber ? Qui verra saura.

Jean-Charles Hoffelé

Auber : Manon Lescaut
Liège – Opéra Royal de Wallonie
10, 12, 14, 16 & 19 avril 2016
www.operaliege.be/fr/activites/operas/manon-lescaut

Sumi Jo © DR