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Marie-Ange Nguci – Le piano et au-delà
La valeur n’attend pas ... Chez Marie-Ange Nguci (photo), l’adage se vérifie avec une rare précocité. En 2011, à 13 ans, la pianiste franco-albanaise entre au Conservatoire National Supérieur de Paris dans la classe de Nicholas Angelich : brillantissime première année qui lui suffit pour obtenir sa licence avec mention Très Bien. Suivent deux années, non moins remarquables, sous la conduite de Denis Pascal et Laurent Cabasso : en 2014, à 16 ans, elle obtient son Master avec mention Très Bien à l’unanimité. Le Diplôme d’Artiste Interprète s’y ajoute en juin 2016, le Master de Pédagogie-Piano et le C.A. cette année. Et elle vient d’être admise en Doctorat d’Interprète (qui associe le CNSMDP et la Sorbonne)...
Que de science ! Pas une once d’arrogance ni de pédanterie toutefois de la part d’une artiste qui rayonne de la simplicité de ceux qui savent que l’on n’a jamais fini d’apprendre. La musique constitue une inépuisable source de découvertes. Un, des musiciens préférés ? « J’aime jouer de tout. J’ai du mal à citer un compositeur car j’ai le sentiment d’exclure tant de choses ... On apprend beaucoup aussi dans les répertoires où l’on se croit a priori moins à l’aise. Chaque œuvre est une nouvelle rencontre ... »
L’univers de Marie-Ange Nguci ne se limite pas au piano. C’est par le violoncelle et l’orgue qu’elle est venue à la musique et ce dernier instrument, à l’évidence cher à son cœur, demeure présent dans son activité. Un Prix d’Ondes Martenot (en 2016) est également à signaler durant son cursus au CNSMDP, dont l’année 2013-2014 l’a menée – grâce à Erasmus – à l’Universität für Musik und darstellende Kunst de Vienne. Dans cet établissement, Marie-Ange Nguci aura pu découvrir et approfondir très sérieusement la direction d’orchestre (elle a profité entre autres de masterclasses avec V. Gergiev, A. Gilbert et V. Ashkenazy).
« On ne voit plus les choses de la même façon » : cette expérience extra-pianistique a d’évidence beaucoup marqué et enrichi l’artiste (qui est retournée il y a peu à Vienne pour diriger Ligeti et Brahms) et contribué à nourrir son imaginaire sonore - un moyen de « se détacher de la contrainte instrumentale pour aller plus loin dans la musique ». Jardin secret de Marie-Ange Nguci, la pratique de l’orgue– qu’elle compare à un « laboratoire sonore » – participe tout autant de cette démarche.
Dès lors, on comprend mieux le choix pour son premier disque, à paraître chez Mirare ce 10 novembre (1), d’un programme réunissant des œuvres de compositeurs organistes : Franck (Prélude, Choral et Fugue, Prélude, Aria et Final), Escaich (Litanies de l’ombre), Bach/Busoni (Chaconne) et Saint-Saëns (Toccata op. 111). Du piano, superbement maîtrisé ? Certes, mais l’interprète regarde au-delà et c’est d’abord par sa capacité à dépasser la dimension pianistique, avec une richesse des couleurs et une variété des plans sonores étonnantes, qu’elle force l’admiration.
« L’orgue est un évocateur ; à son contact, l’imagination s’éveille, l’imprévu sort des profondeurs de l’inconscient ; c’est tout un monde, toujours nouveau et qu’on ne reverra plus, qui surgit de l’ombre, comme sortirait de la mer, pour y rentrer ensuite à jamais, une île enchantée » : Marie-Ange Nguci a placé ces mots de Camille Saint-Saëns en exergue de son texte de présentation d’un programme intitulé « En Miroir ». Ils prennent toute leur signification lorsque l’on termine, séduit et ému, l’audition de cet admirable récital ...
19 ans seulement ... Vous n’avez pas fini d’entendre parler de Marie-Ange Nguci.(2) Le Festival Chopin de Bagatelle et celui de Nohant, tout comme le Festival de la Roque d'Anthéron, l'ont reçue l'été passé ; son agenda se remplit à grande vitesse, en France et à l’étranger. On vient d’apprendre que « L’Europe du Piano », inscrite dans le programme Europe Créative (programme cadre de l’ Union Européenne pour la Culture) et réunissant le Festival Piano aux Jacobins, l’Académie Franz Liszt de Budapest et l’Association Clementi de Rome, a retenu la pianiste franco-albanaise parmi ses cinq lauréats 2017-2018, ce qui lui offrira l’occasion de se produire entre autres dans la capitale hongroise au printemps prochain.
Pour l’heure, au tour du public parisien d’écouter Marie-Ange Nguci – et pour beaucoup d’auditeurs de la découvrir – puisque la sortie de son CD s’accompagne d’un récital à la salle Cortot. Avec la Chaconne de Bach/Busoni, Gaspard de la nuit de Ravel, la Fugue du Prélude, Choral et Fugue de Franck, enchaînée au Prélude, Aria et Final, et la 6ème Sonate de Prokofiev, chacun pourra prendre la mesure de l’art d’une musicienne hors du commun.
Au moment des bis, elle pourrait bien élire la Toccata op. 111 de Saint-Saëns qui conclut son disque – pièce sous ses doigts fabuleuse de luminosité et d’enivrante virtuosité !
Alain Cochard
(Entretien avec Marie-Ange Nguci réalisé le 27 octobre 2017)
(1) 1 CD Mirare MIR 362
(2) Tout récemment (le 14 octobre), Gaëlle le Gallic recevait Marie-Ange Nguci à France Musique, dans le cadre de « Génération Jeunes Interprètes » / Emission disponible sur : www.francemusique.fr/personne/marie-ange-nguci
Marie-Ange Nguci, piano
Œuvres de Bach/Busoni, Franck, Ravel & Prokofiev
Vendredi 10 novembre 2017 – 20h30
www.sallecortot.com/
Photo © Caroline Doutre
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