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Marina Rebeka en récital à Elephant Paname – La nouvelle Studer ? – Compte-rendu
En à peine dix petites années, Marina Rebeka est parvenue à se faire un nom au sein du gotha lyrique. Lancée par Riccardo Muti, cette soprano à la voix large est aujourd’hui invitée par les plus grandes maisons dans des ouvrages et des répertoires si éloignés qu'il est devenu impossible de la suivre. Verdi, le bel canto (Rossini, Bellini, Donizetti) et l'opéra français auraient pu contenter ce féroce appétit, c'était sans compter sur des velléités baroques (Händel), des envies de Mozart ou de Tchaïkovski, avant que cette ogresse n'ajoute à son palmarès un peu de Puccini … Les moyens sont certes imposants et décuplés dans une salle aussi petite que celle de L'Eléphant Paname où la « diva » vient de donner son premier récital parisien (avec Antoine Palloc, accompagnateur attitré de L’Instant Lyrique, au piano) , mais cette frénésie musicale laisse rêveur. A l'image de Cheryl Studer, artiste passionnante, mais finalement dévorée par une ambition sans limite, Marina Rebeka ne peut s'empêcher d'embrasser toutes les musiques et tous les genres dans un programme pour le moins hétéroclite.
Pourquoi cependant chanter Schubert lorsque l'on ne maîtrise que très succinctement la langue allemande (ah ces « mehr » et ces « schwer » récalcitrants) et que la poésie n'est pas son fort ? Les miniatures fauréennes demandent un investissement psychologique, un sens de l'expressivité et un art de diseuse totalement absents ici. On aurait aimé pouvoir déceler derrière cette langue lettone mise en musique par trois compositeurs de son pays, or à l'exception de la mélancolique « Brinos es » (« Je m’étonne ») d’Alfreds Kalnins et de hurlements dans « Burve » de Janis Kepitis, la cantatrice a peu à transmettre, la longue mélopée sur une seule voyelle « a » (« Arija » de Janis Medins) tournant sur elle-même sans être relancée. Victoria de los Angeles, parce que polyglotte et musicienne à la sensibilité unique, pouvait se permettre après quelques ariettes oubliées, une sélection de lieder et quelques raretés catalanes, de convoquer Gluck, Wagner ou Massenet : elle en avait le bagage culturel et les connaissances stylistiques. Le charme n'opère pas ici qu'il s'agisse de l'air des Bijoux, crié comme dans des Arènes, ou de l'intrus « Dich teure Halle » extrait de Tannhäuser que Rysanek et encore moins Nilsson n'auraient osé parer de tant de décibels. Ce tour du monde musical prenait fin avec Rachmaninov, trois exotiques mélodies parmi les plus belles, interprétées sans grande conviction par une cantatrice "multi-fonctions" que l'on préférerait moins éparpillée. Le boléro des Vespri siciliani et la Valse de Juliette ont fait frissonner d'aise le public, conquis par ces numéros donnés sans cohérence que, pour notre part, nous avons oubliés aussi vite que nous les avions entendus.
François Lesueur
Paris, Elephant Paname, 15 avril 2019
Photo © Dario Acosta
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