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Marseille - Compte-rendu : Gautier Capuçon et l’Orchestre Filarmonica Di Torino, quand la musique classique sort des sentiers battus…
Explorer, creuser inlassablement le répertoire de chaque époque, proche ou lointaine, afin que rien ne tombe dans l’oubli ou ne soit laissé pour compte, tel pourrait être la philosophie du concertiste du 21e siècle à en juger par ce concept récurant qui consiste à proposer des compositeurs méconnus, à programmer une création dès que l’occasion se présente. Exemple probant de cette volonté téméraire pour la 3e soirée du festival de St Victor avec quatre compositeurs à (re)découvrir.
La star de la soirée fut double tant l’Orchestre Filarmonica Di Torino – et son étonnant 1er violon, Sergio Lamberto - fut à la hauteur de l’évènement, faisant presque jeu égal avec le violoncelliste Gautier Capuçon. Pas de chef d’orchestre mais un Lamberto qu’on verra régulièrement battre la mesure. En première partie, cet ensemble de 12 musiciens se montre d’emblée très l’aise dans une page raffinée d’Elgar, la Serenade op.20. Sobre, lumineuse d’évidence, cette musique est celle des horizons lointains, des sentiments intériorisés. Sans véritablement sonner « britanique », les trois mouvements successifs – un Larghetto à la ligne mélodique empreinte de religiosité - ont ce petit supplément d’âme qui s’écoute plus qu’il ne se commente.
Changement de décor avec l’Absolut, composé par Nicola Compogrande, directeur musical de cet orchestre piémontais. Une opposition curieuse entre une basse électrique- instrument d’ordinaire pilier en pop ou en fusion - les cordes et le violoncelle. Un son entêtant et obstinant dans l’Aprendo le danze, décalé dans l’Investigando. Innovateur du point de vue de la structure, ce mouvement ne séduit guère par ses sonorités d’ensemble. Deux partitions sont jouées de façon continue sans lien véritable. Une succession de notes segmente chaque dialogue distinct des différents instruments. Seul moment d’unité lorsque tous jouent à l’unisson : la croisée des chemins réussie entre le classique et les musiques actuelles. Dans le final, Gautier Capuçon prend possession des lieux avec une fougue virile dans une page difficile avec des changements de hauteur incessants.
Après l’entracte, place au Concerto pour violoncelle en do majeur de Luigi Boccherini. Un choix qui ne peut que valoriser le répertoire italien. Il s’agit d’une oeuvre teintée du style viennois et qui convient à merveille pour cet orchestre assez réduit. Les yeux souvent mi-clos, dans une osmose totale avec son instrument, Gautier Capuçon est habité par la musique qu’il joue. Comme chez les solistes hors pair, c’est une impression de facilité qui domine. Un timbre chatoyant, toujours à propos, jaillit sans peine apparente de son archer. De la rigueur mais aussi une liberté d’expression notamment dans le Largo et une virtuosité certaine dans l’Allegro.
Deux bis pour violoncelle seul - dont une suite de Bach – pour nous rappeler toute l’étendue de son talent. Pour clore ce concert, les 5 danses grecques de Skalkottas. Autre facette des italiens dont le jeu se transforma en celui d’un groupe local grec. Entre tradition populaire et écriture occidentale, cette musique s’inscrit dans le folklore de son pays d’origine. Avec l’enthousiasme communicatif et bondissant de Sergio Lamberto, (décidemment très présent), suivirent aus Holbergs zeit de Grieg, perpetuum mobile de Karl Komzak et enfin, bissée, la 1ere danse grecque.
Florence Michel
Marseille, Basilique Saint Victor, le 9 novembre 2005.
Photo : DR
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