Karol Beffa, on l’a souvent constaté, a plaisir à dérouter, histoire de remettre sur la bonne voie les esprits contaminés par les diktats du boboisme musical. Avec Ravel, pour lequel il professe une admiration sans bornes, il trouve son chemin, dans la forêt de ses innombrables activités : montrant le compositeur comme un homme réservé au-delà du possible, apparemment sec mais profondément bon, un dandy timide, un puriste effréné capable de libérer des instants de la plus fine sensualité, un compositeur à la rigueur féroce, presque ascétique, enfin un homme peu épanoui et resté au cœur de ses rêveries d’enfance, que sa musique libère avec le charme que l’on sait.

Son ouvrage ne se veut pas une véritable biographie, travail dont Marcel Marnat, notamment dans son Ravel de 1986 (Fayard), s’est si scrupuleusement acquitté. Il le dit, « c’est mon Ravel », soit le Ravel dans lequel il se reconnaît et qui le touche le plus. Le livre est donc partagé en courtes séquences où l’auteur aborde les œuvres qui lui paraissent essentielles, en les décortiquant : on reconnaît au passage le style de l’enseignement aussi pointu que sensible qu’il doit prodiguer à ses étudiants. On feuillette quelques moments, quelques facettes du maître basque, ses lieux chéris et ses gamineries, on savoure des citations glanées notamment chez Emile Vuillermoz et Léon-Paul Fargue, qui nous rendent le personnage plus familier. Ravel, certes, restera toujours insaisissable, mais l’auteur, mêlant son analyse de musicien accompli à ses rêveries intimes, nous fait pénétrer dans un jardin extraordinaire avec ce vibrant petit livre, imprégné de tendresse : les Contes ravéliens de Karol, pourrait on le titrer…