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Maxim Emelyanychev et l’Orchestre de chambre de Paris au théâtre des Champs-Elysées – Hommage et hymne à la vie – Compte-rendu
Un écran descend des cintres du théâtre des Champs-Elysées : une photo noir et blanc de Lars Vogt apparaît – accompagnée de deux dates (1970-2022) qui soulignent la cruauté du destin ... – tandis que la voix du disparu résonne : un extrait d’une émission de radio au cours de laquelle il évoquait le « privilège de faire de la musique » et la préciosité de ce temps « limité » par la maladie, qui donne toute sa saveur aux détails les plus simples de la vie. Et c’est bien de celle-ci dont il s’est agi au cours d’une soirée, d’hommage certes, mais dénuée de toute pesanteur funèbre.
Ajout au programme annoncé, la musique de Rosamonde de Schubert ouvre la soirée avec une tendresse et un lyrisme merveilleux – et souligne la qualité des cordes d’une formation considérablement renouvelée et rajeunie depuis quelques années –, avant que le chef, sans estrade, à la hauteur de ses musiciens à la manière de G. Rozhdestvensky (qui fut son professeur au Conservatoire Tchaïkovsky), et sans baguette, n’attaque le Tombeau de Couperin. Hommage à un passé musical lointain, la pièce revendique pleinement son appartenance au XXe siècle sous la direction d’Emelyanychev. A d’autres les élégances poudrées ! Formidable éveilleur de sons, le jeune maestro implique totalement ses instrumentistes et tire des saveurs étonnantes de l’harmonie ravélienne.
Le clavecin dont Emelyanychev va se servir dans le Concerto pour violoncelle en ré majeur Hob. VIIb:2 de Haydn est en place depuis le départ; Sheku Kanneh-Mason peut donc rapidement s’installer sur scène. D’avoir pris part à une actualité royale outre-Manche il y a quatre ans vaut à ce magnifique musicien (né en 1999) d’être parfois un peu snobé par certains commentateurs chez nous. Son interprétation leur donne bien tort : servie par un archet d’une souplesse et d’une mobilité remarquables, vivante et allante, d’une virtuosité « sur le fil », impatiente mais nullement brouillonne, elle se révèle continûment excitante pour l’oreille, et d’une expression intense quoique jamais « romantisée » dans l’Adagio. Il faut reconnaître qu’Emelyanychev, débordant d’idées, mène la danse de son clavecin avec un peps et un style réjouissants.
En bis, Sheku Kanneh-Mason allie ses qualités de siffleur à celles de violoncelliste dans une toute récente et charmeuse composition de sa main.
Après la pause, la Symphonie n° 4 de Schumann (version de 1851) n’emporte pas moins l’adhésion d’un auditoire particulièrement fourni. Comme Emelyanychev celles de troupes qu’il mène avec une aussi amicale que ferme autorité. Prises dans un même grand souffle, les diverses sections de l’Opus 120 s’enchaînent avec une urgence et une énergie vitale peu communes. Sous le relief et la cohérence organique du résultat se lit la signature, singulière, d’un chef qui dirige pour la toute première fois l’Orchestre de chambre de Paris : on espère l’y revoir bientôt !
Prégnante et jamais compassée, la Pavane de Fauré (avec Marina Chamot-Leguay à la flûte) conclut cette première soirée d’hommage à Lars Vogt. La prochaine se tiendra le 4 octobre à la Philharmonie de Paris (1) et réunira Ian Bostridge, Paul Lewis, Christian Tetzlaff et Alban Gerhardt, sous la direction de Daniel Harding.
Alain Cochard
(1) www.orchestredechambredeparis.com/concert/soiree-mendelssohn-visions-et-voyages/
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 22 septembre 2022
Photo © DR
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