Ultime spectacle de la saison lyrique de l’Opéra Théâtre de Metz, Eugène Onéguine nous était proposé dans la mise en scène de Claire Servais. Celle-ci a pris le parti de mettre l’accent sur le personnage de Tatiana qui, dès le prélude, est présente sur scène plongée dans ses rêves de lecture. Tout est blanc dans cette production depuis les costumes jusqu’aux décors ; tout semble personnifier l’innocence et la soif de romantisme de l’héroïne.

La lecture que Jacques Mercier donne de l’ouvrage, à la tête du National de Lorraine, est empreinte de poésie avec des cordes d’une douceur angélique et des cuivres qui confèrent une couleur crépusculaire à la partition. Le chef sait donner du charme à la musique et se refuse au pathos. Le sommet de cette interprétation pleine de pudeur culmine dans une scène de la lettre frémissante, épousant à merveille les intentions de la soprano Anna Maria Wester.
Voilà une interprète intelligente, usant avec finesse de somptueuses couleurs : le portrait fouillé qu’elle donne de cette femme enfant et sa transformation en princesse altière et noble est spectaculaire. Mais quel besoin de la faire se rouler sur cette espèce de camembert dans sa scène finale avec Onéguine !...

Didier Henry (photo ci-dessus) se sort à merveille du personnage d’Onéguine, il possède par son jeu et les couleurs dont il pare son chant la morgue et l’arrogance du dandy des deux premiers actes, et son ultime confrontation avec Tatiana est celle d’un homme brisé et torturé par le remords.

Marc Haffner pose problème dans le personnage de Lensky, en totale méforme ce 13 juin, la voix s’enroue, se brise dans l’aigu, et l’air qui précède le duel est un véritable calvaire pour les oreilles. A mon sens, il y a là dès le part une erreur de distribution, voix trop large pour le personnage, et surtout manque total de mezza voce dans cette voix toute en force.

La suavité et la douceur, nous irons les chercher chez le spectaculaire Monsieur Triquet d’Yvan Rebeyrol. Voilà un chanteur habitué de la scène messine qui, de saison en saison, progresse à pas de géant et se hisse au niveau des plus grands. Que ne lui a-t-on confié le rôle de Lensky !

Belle prestance de la basse serbe Branislav Jatic dans le personnage du Prince Grémine, de somptueux graves font de son interprétation un instant de bonheur, il possède à la fois le style et la stature de son personnage.

Mais la star de la soirée est incontestablement le chœur maison, complété par l’Ensemble Mille e Tre. Articulation spectaculaire, homogénéité parfaite des différents pupitres, justesse impeccable doublée de superbes nuances. Jean-Pierre Aniorte a bien de la chance et sait insuffler à ses troupes un style et un souffle que bien des grandes maisons devraient lui envier.
Deux artistes du chœur se détachent Yannick Adam dans le solo du chœur des moissonneurs, et Jean-Sébastien Frantz imposant Zaretski.

Bernard NIEDDA.

Metz le 13 juin 2006


Photo : DR