Programme dense offert à la Philharmonie 1 par l’Orchestre Philharmonique de Radio France qui retrouvait le public parisien après plus de trois semaines de grève à la Maison Ronde.
 
Dans le juvénile Concerto n°1 de Brahms, l’Autricien Rudolf Buchbinder, rare sur nos scènes mais héritier de la grande tradition viennoise, domine de ses doigts agiles la masse sonore qu’il tend à alléger. Un peu distancié mais d’une redoutable efficacité, il refuse toute surcharge au détriment parfois de l’intensité et de la couleur (Maestoso initial). Accompagnateur discret, Mikko Franck ne cherche pas non plus à tendre le discours toute en dialoguant discrètement avec le soliste (Adagio) et en impulsant dans l’Allegro ma non troppo final ardeur et vivacité rythmique. L’exécution pianistique y retrouve plus d’allant et d’engagement. Le bis montre Buchbinder ludique et virtuose dans une transcription enlevée sur des thèmes de La Chauve-Souris de Johann Strauss. Un régal d’humour et d’élégance après la rigueur brahmsienne.
 
Le clou de la soirée demeure pourtant une interprétation magistrale de la 5^ème Symphonie de Prokofiev tenue de bout en bout par un chef qui fait corps avec son orchestre. Pris par l’enthousiasme, Mikko Franck quitte même son siège pour diriger debout les deux derniers mouvements. On n’oubliera pas de sitôt la puissance tellurique (Andante), le sarcasme (Allegro marcato), la poésie (Adagio), la précision diabolique et le sens de la construction (Allegro giocoso) de cette vision flamboyante enlevée par des musiciens tendus dans la même direction. Un exceptionnel moment de musique.
 
 
Michel Le Naour
 
Paris, Philharmonie 1, 17 avril 2015

Photo © Jean-François Leclercq