Pour son édition 2019, Orchestres en fête ! met l’accent sur un sujet qui a été l’un de ses chevaux de bataille depuis sa création en 2008 : les projets en direction des enfants. Initiée il y a onze ans par l’Association Française des Orchestres (AFO), la manifestation Orchestres en fête ! (à laquelle participent cette année 24 des 41 formations orchestrales de l'hexagone et leurs lieux de diffusion) répond de plus en plus à l’objectif qu’elle s’était fixé.
« Nous avons eu, rappelle Philippe Fanjas, directeur de l’AFO, la volonté de mettre sur pied une manifestation qui montre la réalité de l’action des orchestres, non pas une programmation de concerts pour un public bourgeois, mais une visibilité du travail de terrain, de la politique très active de diffusion en région, dans des salles très diverses, mettant ainsi en lumière une programmation éclectique, une place accordée à la création plus variée qu’on ne le supposait ; tout l’arsenal des actions qui montrent comment les orchestres, du fait des subventions publiques, assument leur responsabilité citoyenne sur leur territoire d’implantation ».
Orchestres en fête ! a très certainement contribué à créer une dynamique via l’atypisme des programmations proposées par l’ensemble des formations, en mettant en lumière le travail d’orchestres désireux d’offrir de nouveaux modes d’entrée dans la musique : ciné-concerts, concerts jeune public, concerts hors les murs, ateliers participatifs … En répondant à leurs missions respectives, les orchestres réfléchissent activement à la place, à la fonction de la musique dans nos sociétés et à la façon dont elle est perçue.
 

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Les enfants d’abord
 
Orchestres en fête ! met à l’honneur cette année plusieurs thématiques, dont les programmes spécifiquement destinés aux très jeunes enfants ; un domaine où se manifeste une inventivité toute particulière (textes associés à la musique, découverte des instruments et du « grand » répertoire, immersion dans l’orchestre, participation, déambulation, etc.)
Il y a parfois concordance des temps dans les questions de société : le rapport sur l’éveil artistique et culturel de la Petite enfance demandé par le Ministère de la Culture à Sophie Marinopoulos il y a deux ans est enfin accessible sur le site du Ministère. Elle y analyse très minutieusement la spécificité de l’approche culturelle des plus jeunes et n’hésite pas à employer le terme de « santé culturelle ».
Le rapport replaçe le tout jeune enfant au cœur de son questionnement et rappelle la nécessité vitale pour les tout petits de leur rapport à l’art. Elle insiste sur le concept d’éveil, qui précède celui d’éducation artistique et culturelle : avec les tout jeunes enfants, on ne se situe pas dans une phase d’apprentissage mais de construction sensible de l’individu en lien avec le monde qui l’entoure. L’art en est l’un des vecteurs.
 

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A Lyon, des « îlots sensoriels musicaux »
 
C’est une des recherches qui intéresse tout particulièrement l’équipe de l’Auditorium-Orchestre national de Lyon et son attaché pédagogique, Arnaud Brovillé ; une réflexion qui a commencé il y a un an, en lien avec l’association « Musique et Santé », qui organisait un colloque à Paris sur le sujet avec l’AFO. Pour Orchestres en fête ! 2019, l’ONL propose une « promenade musicale » destinée aux tout-petits (3 mois-3 ans). Transformant l’espace de l’auditorium, les équipes menées par Jeanne-Lise Meunier ont imaginé quatre « îlots sensoriels musicaux ». Dans l’un, l’accent est mis sur le lien entre la nature et ses sons ; un musicien percussionniste de l’Orchestre répondra en improvisant aux sons des graines, des appeaux qu’un musicien intervenant invite les petits et leurs familles à manipuler. Ailleurs, sur la scène éclairée d’une lumière douce et dans un espace circonscrit, un organiste-improvisateur réagira aux objets que les enfants poseront sur un rétro-projecteur. «  Nous avons choisi la carte sensible, en créant des endroits « doudou » où les sensations se mêleront à la musique, improvisations, pièces du répertoire courtes, qui permettent aux enfants de ressentir la vibration, explique Arnaud Brovillé. C’est une façon d’aller au-delà du concert ». L’orchestre n’existe plus seulement dans sa forme « en salle ». Ce public des tout-petits demande un travail différent aux intervenants, un travail sur la relation, sur le répertoire, sur l’interaction, qui est plus difficile. Ce qui implique également pour les orchestres une problématique économique autre : « cela demande de la part de l’institution dont la vocation première est la billetterie un véritable engagement », ajoute Philippe Fanjas. Là, il faut être plus fin dans le désir que l’on va provoquer, non seulement à l’égard des familles mais du personnel des crèches, des hôpitaux… On propose aux artistes de travailler sur les effets de la musique, sur  le sourire, le désir … C’est très déstabilisant.»
 

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Le travail ne fait que commencer

La mobilisation autour de ce thème est encore très faible : seuls deux orchestres proposent cette année, dans le cadre d’Orchestres en fête !, un éveil des tout-petits. Outre celui de Lyon, l’Orchestre national de Metz s’est aussi engagé sur cette nouvelle voie, avec l’« Ile aux bébés », un moment musical qui associe textes d’albums et musique. Deux musiciennes de l’Orchestre, accompagnées de deux bibliothécaires revisiteront avec les enfants comptines et jeux de doigts. Mais ceci dit, l’édition 2019 d’Orchestres en fête ! le prouve, les propositions à destination du Jeune Public sont maintenant passées dans les mœurs des orchestres : ici un concert en immersion (Limoges), là une création (Normandie, Paris, Loudun, Île-de-France, Poitiers ...), là encore une sensibilisation aux instruments (Metz, La Réunion …) ou au grand répertoire( Paris, Marseille, Tours …) ou un concert participatif (Lille). « Pour moi, il est évident aujourd’hui que tous les artistes ont cela en tête, conclut Philippe Fanjas. Il y a une relation directe à établir avec le public, surtout avec celui qui n’y connaît strictement rien. Au sein d’un collectif parfois aussi pesant que peut l’être un orchestre, développer des projets éducatifs redonne aux musiciens une place individuelle, une identité de créateurs.»
 Cette nouvelle édition se pense comme un manifeste : attendons de voir dès l’année prochaine quelles actions les orchestres, les artistes et leurs partenaires imagineront pour continuer à favoriser la rencontre de la musique par le plus grand nombre, surtout les plus jeunes.
 
Dominique Boutel

(1) Rapport de Sophie Marinopoulos :
www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Education-artistique-et-culturelle/Eveil-artistique-et-culturel-des-jeunes-enfants/Mission-Culture-petite-enfance-et-parentalite
 
 
« Orchestres en fête ! » –  28,29, 30 novembre et 1^er décembre 2019 // www.orchestresenfete.com
 
Orchestre national de Lyon – Journée des tout-petits (promenade musicale dès trois mois), samedi 30 novembre 2019 (de 10h à 16h) // www.auditorium-lyon.com/Programmation-19-20/Calendrier/Novembre/Journee-des-tout-petits

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