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Musique et Jeune Public (7) - « Générations Lully » : le baroque au présent
D’après le parcours de Lully
C’est en effet l’auteur d’Atys qui inspire un nouveau projet d’envergure – étalé sur deux saisons lui aussi – dont l’aboutissement, les 15 et 17 mai prochains, se traduira par la création d’un spectacle : le metteur en scène et scénographe Vincent Tavernier a imaginé sur la musique du Surintendant une comédie-ballet : « Baptiste ou l’opéra des farceurs » ; elle raconte de façon assez comique la vie trépidante de cet Italien immigré, qui de marmiton deviendra LE compositeur de la cour la plus en vue en Europe au XVIIe siècle.
« Le choix de ce compositeur n’est pas innocent, explique le Nicolas Bucher, tout nouveau directeur du CMBV (il a pris ses fonctions le 1er mars dernier ndlr), Lully est, avec Rameau, l’un des deux grands compositeurs de la période que nous traitons au Centre. C’est également l’histoire du parcours de réussite d’un étranger, qui entre en écho avec notre époque et ce choix nous permet de traiter à la fois l’esthétique et la genèse – une belle mise en abyme. »
Mobilisation des forces vives du CMBV
Un travail collectif de création constitue un moyen idéal pour que des néophytes de tous âges entrent dans l’univers assez codé de la musique baroque et le comprennent ; Générations Lully le démontre en mobilisant toutes les forces vives du CMBV.
Le projet s’est construit en deux temps : la première saison, 2016-2017, a été consacrée à la découverte, et a permis aux différents participants, membres d’associations, lycéens, collégiens, retraités, de se familiariser avec l’univers baroque. Pour ce faire, le Centre a mis à disposition du projet les multiples ressources dont il dispose. Outre les pratiques artistiques, instrumentales, vocales et chorégraphiques, les publics concernés ont assisté à des répétitions et des spectacles, effectué des visites privées du château de Versailles et de ses jardins ainsi que CMBV, installé dans l’hôtel des Menus-Plaisirs (où fut votée la Déclaration des Droits de l’Homme et Citoyen, le 26 août 1789). Ils ont aussi découvert les coulisses de l’Opéra Royal, la fabrication des costumes, des décors, et même, pour les élèves de l’Ecole de la deuxième chance, fait le voyage à Malte, où a été créé l’un des spectacles proposés dans le cadre du projet : « Atys en folie ! », drôlissime parodie de l’ouvrage de Lully d’après Fuzelier, d’Orneval et Carolet montée par Jean-Philippe Desrousseaux en janvier 2017 au Festival de La Valette.
« Baptiste ou l’opéra des farceurs »
2017-2018 aura été le moment de la production, impliquant une centaine de participants sur scène : 39 collégiens, la Maîtrise de Trappes issue de l’APMSQ (1), association qui œuvre sur le territoire de Saint-Quentin-en-Yvelines, le Cercle celtique Seiz Avel, la Compagnie de danse hip hop B3, des habitantes du quartier Jean Macé, mais aussi les Pages du CMBV ainsi que l’Académie d’orchestre des Vingt-quatre Violons du Roi, instrumentistes issus des conservatoires de Versailles, Paris et de la Vallée de Chevreuse prendront part à « Baptiste ou l’opéra des farceurs ».
« Ce qui est important à mes yeux, c’est que nous ne sommes pas dans le collage mais dans un vrai mélange. Sur scène, tout le monde partage les airs, les danses. J’ai été très ému lorsque, à l’occasion d’une représentation intermédiaire, j’ai entendu les Pages et ceux qui découvrent le métier chanter ensemble la Passacaille d’Armide, confie N. Bucher ».
La réussite tient beaucoup à l’engagement de l’équipe du Centre. « C’est un projet assez nouveau pour le CMBV, nous y avons investi beaucoup de forces et il sollicite l’ensemble de la maison, des artistes aux costumiers en passant par les éditions, ajoute le directeur général.»
Une vision vivante de la musique baroque
La jeune troupe est en effet encadrée par des professionnels de haut vol, tous convaincus des vertus du projet, que ce soit le chef Olivier Schneebeli, confiant sur la capacité de la musique ancienne à saisir les publics d’aujourd’hui par la modernité de son propos, ou le metteur en scène Vincent Tavernier, passionné par les questions de transmission : « Il est important de faire partager à tous, et en particulier aux collégiens, ce plaisir qui est à la source de l’art baroque et qui est trop souvent entouré de stéréotypes. Nous devons briser ces images toutes faites d’un monde baroque guindé et faire découvrir une vision beaucoup plus vivante. Le Roi, qui adorait la musique, la danse, le travestissement, était jeune et entouré de gens qui avaient envie de s’amuser, mais avec une ambition spirituelle. Je voudrais qu’à son instar, les jeunes redeviennent gourmands, qu’ils retrouvent une sensualité, une sensibilité nécessaires pour canaliser leur énergie de façon positive, qu’ils soient saisis par des univers différents de ceux auxquels ils sont restreints ».
La force d’un projet global
Les ambitions d’un tel projet ne sont pas qu’artistiques ; il invite toute une population, souvent coupée de l’art vivant, à aller voir plus loin, à déverrouiller les codes imposées par notre société pour retrouver un sens de la complexité, des questions que l’on se pose plutôt que des réponses toutes faites.
Cécile Rault, chef de projet Générations Lully, a arpenté la ville de Trappes pour convaincre les différents acteurs de participer : « Ce n’est pas facile, on arrive de l’extérieur, le CMBV était perçu de façon très étonnante, parfois en ne retenant que le phonème « rock ». L’enjeu était de créer un relais avec les responsables, professeurs, responsables d’associations. » Mais la globalité du projet aura aussi été un atout précieux : « à l’époque baroque, la musique est liée à d’autres formes d’art, l’architecture, la peinture, la danse, l’art des jardins et toutes ces entrées ont permis l’accès à des populations aux intérêts très différents. La force du projet tient à son son côté artisanal, qui permet de toucher tous les arts par le corps, l’esprit et la sensibilité ».
Relier le passé et le présent
Les résultats ne se sont pas fait attendre. « Les choses ont évolué au fur et à mesure, constate C. Rault », beaucoup grâce aux artistes qui cassent naturellement les barrières, qui suscitent l’admiration. Et la transversalité, l’intergénérationnel parlent à beaucoup de populations venues d’ailleurs dont les pratiques culturelles sont souvent encore pluridisciplinaires ».
Outre l’élargissement de la sensibilité, la découverte de soi et des autres, un projet tel que Générations Lully construit un savoir qui relie le passé et le présent : « Tous les génies sont contemporains », affirmait déjà en 2014 Michel Vershaeve, metteur en scène du projet consacré à Rameau.
Dominique Boutel
« Baptiste ou l’opéra des farceurs »
15 mai - 19h - La Halle culturelle -La Merise de Trappes
17 mai - 20h- Opéra royal du château de Versailles
Plus d’informations sur « Générations Lully » et « Baptiste ou l’opéra des farceurs » : generationslully.fr/generations-lully/
Photo © Jean-Louis Viaud
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