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Musique_et_entreprise – 30 mots pour les 30 ans de la Fondation BNP Paribas
Puisqu’il s’agit de la banque, l’on pourrait commencer par des chiffres : BNP Paribas, ce sont 185 000 collaborateurs dans 75 pays et 38,8 milliards d’euros de produit net bancaire ! Au-delà des mondes complexes de la banque, de ses ombres et de ses lumières, cette entreprise française de premier plan porte en son sein une fondation où l’on jongle autant avec les chiffres qu’avec le cœur. La Fondation BNP Paribas, en 2013, a investi 40 millions d’euros dans des programmes axés sur la santé, l’environnement, le social et les arts, et ce partout dans le monde. « Mon ennemi c’est la finance » : une phrase qui fit la fortune éphémère de qui la prononça et que ne reprendraient sans doute pas à leur compte tous les artistes, chercheurs, associations que la Fondation BNP Paribas a soutenus depuis trente ans. Durant toutes ces années, la fondation a été animée et ses actions impulsées, portées par Martine Tridde-Mazloum qui en a été la déléguée générale. Elle a passé le flambeau il y a peu à celui qui fut l’un de ses plus proches collaborateurs : Jean-Jacques Goron. Deux personnalités qui semblent a priori différentes, Martine Tridde-Mazloum plus expansive, plus immédiatement empathique, Jean-Jacques Goron plus apparemment réservé. A posteriori, après les avoir rencontrés, observés, interviewés, il semble que tous deux partagent la même passion pour l’art, ses aventures et ses aventuriers. Tous deux sont pareillement convaincus qu’à travers la diversité de ses champs d’action, le travail d’une fondation est une nécessité au service de l’intérêt général. Ils ont également en commun des parcours atypiques : Martine Tridde-Mazloum se rêvait diplomate, fit les études pour y parvenir, s’investit dans le choix d’une carrière européenne avant que la banque et sa fondation ne lui offrent un jeu de possibles et d’actions sur le monde entier. Jean-Jacques Goron, de son côté, commença par les lettres et la photographie, fut ensuite saisi par la passion de la radio, « libre » ou de service public, avant de poursuivre son chemin vers la communication, laquelle l’amena à intégrer la communication interne de BNP Paribas, puis à rejoindre en 1995 l’équipe, alors très restreinte, de sa fondation que dirigeait Martine Tridde-Mazloum.
Alors qu’aujourd’hui la fondation BNP Paribas fête ses 30 ans, ils se confient l’un et l’autre, en harmonie, en complémentarité, en contradiction parfois, à travers un quiz où se croisent trente mots systématiquement prononcés ou écrits dès qu’il s’agit de la Fondation.
ARGENT
Martine TRIDDE-MAZLOUM : Nécessaire ! Nécessité… C’est le nerf de la guerre, mais il ne doit pas être l’essentiel de la relation entre le mécène et le “mécéné”, car cela transformerait celle-ci en relation de pouvoir et alors là, c’est fichu !
Jean-Jacques GORON : C’est important dans une banque ! Comment ne pas parler d’argent ? Il y a quelquefois une certaine pudeur à parler d’argent chez les gens que l’on rencontre, mais il faut parler d’argent, être très clair avec ça… il faut être transparent sur ce qu’on donne et sur ce que l’on fait…
AVENTURE
M.T. M. : Quelques-unes de nos aventures ont été savoureuses : Les Chemins du Baroque parmi tant d’autres…
J.J. G. : L’aventure, c’est être capable de prendre des chemins de traverse ! Il faut toutefois le faire d’une façon raisonnée… C’est aussi ce que l’on vit avec ceux que l’on accompagne. Il y a, avec eux, des histoires qui se construisent et qui deviennent des aventures partagées…
BANLIEUE
M. T.M. : Un beau projet de la Fondation… Un projet d’insertion, de soutien à des réseaux d’associations locales qui œuvrent sur le terrain… C’est ça pour moi le sens du mot " banlieue" par rapport à la Fondation. C’est le travail des associations de terrain dans les domaines de la création de l’emploi, d’alphabétisation et d’insertion par la pratique artistique… un champ large, vaste et généreux…
J.J. G. : À découvrir au-delà de tout ce qu’on met sur ce mot. À découvrir pour ses richesses, sa diversité et son dynamisme. Toutes choses que j’ai moi-même découvertes grâce à des programmes que nous soutenons. J’ai eu beaucoup de bonheur avec des enfants et des adolescents de banlieue dans différentes occasions et je souhaite vivement qu’on les regarde autrement…
BAROQUE
M. T.M. : J’aimerais que l’on qualifie la Fondation de baroque !
J.J. G. : Avec cette fondation, ce mot évoque évidemment la musique et l’aventure des Chemins du Baroque. Ce fut une expérience importante et constitutive pour la Fondation. À titre personnel, ce fut une formidable découverte artistique !
CONTREPARTIE
M.T.M. : Il n’y en a qu’une : le succès d’un projet ! C’est totalement subjectif et c’est bien comme ça…
J.J. G. : C’est très important. C’est la possibilité de faire partager les choix de la Fondation à un large public. Faire découvrir une œuvre est l’essence même de notre fonction de médiateur. Du côté des personnes que l’on soutient, l’on n’attend pas d’autre contrepartie qu’un véritable échange et le succès que l’on souhaite à tous leurs projets…
CULTURE
M. T.M. : Artistes… au mot culture, je préfère celui d’artiste…
J.J. G. : pour ce qui concerne nos activités, je préfère parler d’art, car le mot culture englobe beaucoup trop de choses. Ceci dit, art ou culture, l’un et l’autre sont essentiels. Il faut toujours être présent pour les défendre… Louise Bourgeois disait que sans l’art, le monde serait complètement fou. J’aime beaucoup cette phrase.
DOUTE
M. T.M. : Constant !
J.J. G. : Quelquefois… sur certains projets artistiques… on peut avoir une déception sur une création… Mais on ne la partage qu’avec peu de personnes…
ENGAGEMENT
M. T.M. : Le moteur ! C’est ce qui métamorphose la vie. C’est la qualité de notre engagement qui fait que d’une certaine façon l’on vit un peu de la vie de nos partenaires… l’engagement ne peut donc pas être de façade, ça ne peut pas être un vain mot. c’est une façon d’être, c’est un état d’attention, de non-intrusion dans les projets des partenaires… C’est par-dessus tout la sincérité !
J.J.G : Défendre ce qu’on a choisi de défendre, même quand parfois le doute s’installe, c’est aller jusqu’au bout, être là en dépit des difficultés, donner de son temps et de soi-même… c’est avant tout une grande capacité d’écoute…
ENVIE
M. T.M : Constante !
J.J. G. : Avancer dans la sérénité avec une équipe engagée à mes côtés, pour aller encore un peu plus loin…
ÉTAT
M. T.M. : Une politique culturelle affirmée de l’État est un encouragement pour les entreprises à faire du mécénat.
J.J. G. : Plus ou moins proche ou lointain à nos côtés. Il se manifeste parfois pour chercher des sous… il n’est pas celui auquel on pense en premier…
ESTHÉTIQUE
M. T.M. : Éviter les chapelles ! Pour moi l’idée d’esthétique suppose des jugements et je m’en méfie… Quelle est la belle, la bonne, la mauvaise esthétique ?
J.J. G. : C’est la faculté de recevoir… La Fondation fait des choix d’esthétiques diverses, par exemple dans la danse contemporaine ou les arts du cirque, il y a des esthétiques à l’œuvre que ne vont pas du tout dans le même sens et je pense que c’est bien…
ENVIRONNEMENT
M. T.M. : Un nouveau champ d’investigation pour la Fondation, un champ qui reste pionnier dans le domaine du mécénat. Donc, c’est bien ! Je dois dire que je suis très fière de ce que nous faisons en matière d’environnement.
J.J. G. : C’est un sujet qui m’intéresse depuis ma jeunesse, alors que ceux qui en parlaient alors étaient peu nombreux. C’est une source de grande satisfaction pour moi que l’environnement soit devenu un sujet très important pour la Fondation. Nos projets apportent un soutien à des scientifiques dont les recherches sont un enjeu majeur pour l’avenir. Nous avons beaucoup à faire pour sensibiliser les esprits à ces questions cruciales, y compris au sein de l’entreprise.
EXPERTISE
M. T.M. : relative… Elle ne doit pas être un piège ni une fermeture…
J.J. G. : Nécessaire ! On ne peut pas se promener, échanger dans un musée avec un conservateur sans avoir aucune notion de l’histoire de l’art. Mais, nous devons être aussi amateurs… experts et amateurs. Être en quelque sorte un vrai collectionneur qui suit aussi ses coups de cœur…
FIDÉLITÉ
M. T.M. : Elle est là ! Elle est indispensable à toute démarche de mécénat…
J.J. G. : Importante pour construire une relation durable, mais il ne faut pas qu’elle devienne une fin en soi, sinon on se sclérose. On peut rester fidèle à des artistes, à des chercheurs, sans pour autant les financer toute la vie…
FONDATION
M. T.M. : Place à l’inattendu…
J.J. G. : Pérennité, engagement, durée…
GÉNÉROSITÉ
M. T.M. : Indispensable !
J.J. G. : Je pense à ceux que l’on aide et qui nous font souvent le cadeau de leur générosité. Ils nous donnent beaucoup, ils donnent beaucoup au public à travers ce qu’ils transmettent.
MÉCÉNAT
M. T.M. : L’engagement d’une entreprise dans la vie de la société.
J.J. G. : Intérêt général… image.
MÉDIAS
M. T.M. : C’est un regret… Disons le constat un peu triste de voir les médias s’intéresser si peu à ce qui est en amont d’une création, d’un soutien, à ce qui permet à un projet de voir le jour, à ce qui fait que le rideau se lève au bon moment. Si une association peut atteindre ses objectifs, une recherche obtenir des résultats, ce n’est pas par miracle… C’est le résultat d’une fédération d’énergies et de moyens. Le manque d’attention médiatique à cette conjugaison de volontés est regrettable, car, cela pourrait être un encouragement, un aiguillon incitant d’autres à faire la même chose. Je ne parle pas seulement du secteur privé, on ne crédite pas davantage l’État ou les collectivités locales de leurs actions.
J.J. G. : À titre personnel, je suis un dévorateur de médias. Pour la Fondation, il est important de développer des relations avec des journalistes très différents. Ce que disent les médias de nos actions est essentiel en interne. C’est une reconnaissance essentielle pour la Fondation…
MUSIQUE
M. T.M. : Talent de ceux qui l’interprètent…
J.J. G. : Musique : c’est toutes les musiques pour moi… J’ai fait mon éducation musicale en autodidacte, grâce à la radio dès l’âge de 10 ans. J’ai ensuite appris la clarinette, le piano, la batterie… Comme beaucoup de jeunes de ma génération, j’ai grandi avec le rock. je me suis très tôt intéressé également au jazz. La Fondation m’a donné l’occasion de me plonger un peu plus dans toutes ces musiques et de découvrir par exemple la scène jazz française. Cela m’a permis de pénétrer aussi le monde des jazzmen de l’intérieur. je suis fasciné par leur capacité d’improvisation et d’écoute…
PATRIMOINE
M. T.M. : Repère… C’est ce qui nous situe et nous constitue. La mémoire patrimoniale est un repère indispensable et donc un facteur de progrès.
J.J. G. : C’est d’abord pour moi les musées que je fréquente depuis l’enfance de façon assidue et aujourd’hui encore partout dans le monde… Quand je suis arrivé à la Fondation, j’ai commencé à travailler dans le domaine des musées et cela m’a permis de continuer à former mon goût, à m’enrichir grâce à l’échange avec les conservateurs…
PERSONNALITÉ
M. T.M. : Je dirais priorité à la personnalité sur l’institution, priorité à la personne.
J.J. G. : C’est le sel de ce métier, les rencontres avec des personnalités d’artistes, de chercheurs, les rencontres dans l'entreprise, c’est une stimulation intellectuelle permanente…
POUVOIR
M. T.M. : Pouvoir ? Pouvoir de dire oui !
J.J. G. : On le côtoie, puisque le mécénat intéresse les gens de pouvoir… on a un certain pouvoir aussi comme mécène… Est-ce véritablement l’exercice d’un pouvoir ? Sincèrement, je ne sais pas…
RÉALITÉ
M. T.M. : La réalité. C’est ce que vivent nos partenaires. Réalité pour moi, c’est avant tout le terrain…
J.J. G. : La réalité nous rattrape assez régulièrement, celle de la banque, celle des changements qui peuvent intervenir, de direction, de présidence, de fusion… toutes ces évolutions, ces péripéties de l’entreprise qui supposent pour nous de savoir composer avec ces réalités pour continuer notre mission.
RECHERCHES
M. T.M. : Quête… Une quête et un processus mental similaire à celui des artistes. Pour moi, artistes et chercheurs sont très proches, c’est pour cela qu’il n’y a rien de surprenant à ce que la Fondation aide ces deux « communautés » aussi essentielles l’une que l’autre. La relation est plus émotionnelle avec les artistes, elle est plus intellectuelle avec les chercheurs…
J.J. G. : Passionnant ! La recherche médicale ou environnementale est fondamentale et il est fondamental de soutenir la recherche fondamentale ! Nous devons contribuer à trouver des réponses sur des sujets essentiels comme le climat… J’éprouve une certaine fascination pour les chercheurs, leur discours, leur capacité parfois à transmettre avec simplicité des choses très complexes… Je leur envie cela…
RÊVE
M. T.M. : Constant !
J.J. G. : Une Fondation avec des fondations ! Un bâtiment dédié à nos activités, comme l’immeuble LVMH, ou celui de Cartier qui fête ses 30 ans cette année, comme la Fondation Galeries Lafayette bientôt dans le Marais. C’est un rêve…
SOLIDARITÉ
M. T.M. : Champ d’intervention de la Fondation. C’est un mot qui a pris une importance croissante dans le périmètre de nos actions, mais qui ne s’est jamais développé au détriment d’autres domaines.
J.J. G. : Elle est très importante, le mot l’est aussi devenu. Il a toujours existé à la Fondation, mais les actions se sont beaucoup développées et les budgets avec elles. L’important est que tous les mondes se rencontrent…
SPONSORING
M. T.M. : Notoriété.
J.J. G. : Notoriété.
VOYAGES
M. T.M. : Ma vie !!! Il y a mes nombreux voyages au sens strict du mot, mais ce mot de voyage évoque aussi tous les voyages dans lesquels nous entraîne chaque partenariat, chaque rencontre, au sens où chacun est la découverte d’un individu, d’un projet, parfois d’un pays, de l’inconnu aussi… Ce sont souvent des voyages dont on ne connaît pas la destination à l’avance…
J.J. G. : Ils ont formé ma jeunesse et ils forment ma vie professionnelle. Il y en a beaucoup, c’est quelquefois fatigant, mais c’est toujours enrichissant pour les échanges qu’ils apportent.
POLITIQUE
M. T.M. : Les politiques et le mécénat ? Work in progress !!! Une politique de mécénat forte, c’est la garantie d’une avancée des questions qu’elle soulève au sein de l’entreprise.
J.J. G. : Il faut être politique dans beaucoup de métiers, sans doute dans l’exercice du nôtre. Je ne suis pas sûr que ce soit ma première vertu, mais c’est incontournable à l’intérieur et à l’extérieur… C’est la capacité de convaincre, de faire partager nos envies, nos projets aux personnes dont nous avons besoin pour les réaliser…
ATMOSPHÈRE (PRÉSENTE)
M. T.M. : Du bonheur… C’est le cœur rempli de trente ans d’une incroyable richesse. Trente ans nourris par la rencontre de personnalités qui étaient parfois totalement fauchées mais si riches d’elles-mêmes ! Trente ans, c’est un cycle, un beau cycle qui fut pour moi une chance merveilleuse… Je suis heureuse qu’aujourd’hui d’autres s’emparent de tout cela…
J.J. G. : Beaucoup d’optimisme, car nous avons de beaux projets et pas trop d’inquiétude, y compris budgétaire… Mais une incertitude peut-être, car les temps sont incertains… Ce qui est positif, c’est qu’en dépit de cela, l’enthousiasme est intact chez les artistes, les chercheurs, les responsables d’associations qui se battent comme des fous pour avancer ! Il faudrait le faire savoir beaucoup plus encore…
Propos recueillis par Jeanne-Martine Vacher
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Photo Martine Tridde-Mazloum © Eric Feferberg
Photo Jean-Jacques Goron © Dominique Rault
Site de la Fondation BNP Paribas : fondation.bnpparibas.com
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