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Naissance de l’Orchestre des Concerts de Poche – Pari osé, pari gagné ! – Compte-rendu
Une dizaine de concerts en 2005, 50 en 2010 (dont un de ... Gustav Leonhardt !), une centaine aujourd’hui : les chiffres soulignent l’essor des Concerts de Poche. Point essentiel, 45% d’entre eux se déroulent dans des communes de moins de 5000 habitants : c’est dire que la réussite est le fruit d’une action de décentralisation culturelle soutenue dans les territoires (ce avec un budget ventilé à parts égales entre fonds propres, subventions et mécénat)
Action soutenue et qualitative : depuis longtemps des artistes tels que Jean-Marc Luisada, Michel Dalberto, le Quatuor Modigliani, Philippe Cassard, Henri Demarquette (que la regrettée Brigitte Engerer accompagna souvent), Emmanuel Rossfelder, Karine Deshayes et des dizaines d’autres sont fidèles aux Concerts de Poche. Loin de toute démagogie vulgarisatrice, ils sont source de grand bonheur pour les auditeurs, mais valent aussi aux artistes des «expériences artistiques incroyables, des moments uniques », comme le souligne la percussionniste Vassilena Serafimova, autre grande fidèle. Ce d’autant que partout où un concert est organisé, de nombreux ateliers de préparation (pour enfants et adultes), très axés sur la chant choral, sont proposés et font le plein.
Jusqu'à présent, les Concerts de Poche demeuraient pour l’essentiel cantonnés au récital et à la musique de chambre ; la création de l’Orchestre des Concerts de Poche promet de considérablement changer la donne. Constitué de 13 musiciens – le Quatuor Akilone, le Quintette Artecombo (flûte, hautbois, clarinette, basson, cor), Jean Bruyère (contrebasse), Philippe Robert (trompette), Tristan Mauguin (trombone) et Pierre-Olivier Schmitt (percussions) – la formation est placée sous la direction du chef et hautboïste David Walter (photo), dont l’art d’arranger pour petit ensemble de grands effectifs orchestraux n’est plus à saluer. Il est l’homme de la situation pour un projet qui aspire à diffuser des partitions symphoniques fameuses.
La salle de la Rotonde de Moissy-Cramoisel est en fête pour la soirée qui porte l’Orchestre sur les fonts baptismaux. Avant d’attaquer le concert proprement dit, le traditionnel lever de rideau des Concerts de Poche permet à des enfants de CM2 de l’école des Marronniers de Moissy-Cramayel, mais aussi à des adultes de cette cité ou encore des habitants de l’agglomération Grand Paris Sud de présenter le fruit de plusieurs semaines de travail (l’orchestre qui les accompagne mêle les membres de l’Orchestre des Concerts de Poche et des musiciens amateurs). Le cœur offensé de Dvorak, un Hymne à l’orchestre signé Christian Lauba et une « adaptation-digest » de la 9ème de Beethoven par Antoine Simon : nombre de participants pratiquent là pour la première fois le chant choral et on ne peut que tirer son chapeau au chef de chœur Benjamin Vinit pour ce qu’il obtient d’eux.
Une courte présentation, souriante et enlevée, de Pierre-Alain Braye-Weppe et le moment tant attendu arrive. La Symphonie n° 1 de Beethoven montre d’emblée la remarquable préparation des musiciens. David Walter leur a concocté une admirable adaptation, qui ne leur facilite cependant en rien la tâche. Avec un tel effectif, chacun des instrumentistes est en permanence « exposé » et l’on n’est que plus admiratif du résultat. Réduire, pour David Walter, ne signifie jamais appauvrir : rien d’étique dans cette interprétation lumineuse, directe et prestement menée.
Composée spécialement pour l’effectif de l’Orchestre des Concerts de Poche, Time Machine de Christian Lauba séduit par son son relief et la mobilité de ses couleurs. Le compositeur ne cache pas avoir songé à l’univers du cinéma, à Richard Strauss aussi – l’un de ses auteurs de prédilection –, en écrivant une pièce aussi fluide que visuelle dont les instrumentistes se régalent.
Le Concerto pour violoncelle de Dvorak avec un ensemble de seulement 13 musiciens ? Le pari pouvait sembler un rien risqué. On sort du concert inaugural de l’Orchestre des Concerts de Poche totalement bluffé par le résultat. En soliste, Henri Demarquette signe une interprétation d’une rare intensité. Quel archet, quel son, profond, riche – plus qu’une belle sonorité, de la chair vivante ! – ; le soliste a toute latitude pour soigner des détails qui passent inaperçus avec l’effectif « normal » de l’ouvrage. D’un bout à l’autre, le sens du dialogue entre le violoncelliste et ses partenaires émerveille : il n’est pas tous les jours donné d’entendre l’Adagio ma non troppo vécu d’aussi frémissante façon ... C’est d’ailleurs lui qui fera office de bis, pour le plus grand bonheur d’un auditoire conquis.
Paris osé que celui de l’Orchestre des Concerts de poche, pari gagné ! Il est encore temps d’aller le vérifier : un nouveau programme (réunissant la 1ère de Beethoven, une création de Paul Dujoncquoy et des extraits de la Symphonie espagnole de Lalo transcrite pour le virtuose marimba de Vassilena Serafimova) sera donné les 7, 8 et 9 décembre, à Morsang-sur-Orge (91), Varennes-sur-Seine (77) et Laventie (62).
Alain Cochard
-2008 : www.concertclassic.com/article/trois-questions-gisele-magnan-directrice-artistique-des-concerts-de-poche
-2014 : www.concertclassic.com/article/rencontre-avec-gisele-magnan-fondatrice-et-directrice-des-concerts-de-poche-la-ou-lon-aime
Moissy-Cramayel (77), La Rotonde, 30 novembre 2018 / Un reportage sur l’Orchestre des Concerts de Poche sera diffusé dans le JT d’Arte le 6 décembre.
Saison des Concerts de Poche : www.concertsdepoche.com/concerts-a-venir/
Photo © Les Concerts de Poche
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