Journal
Nancy - Compte-rendu - Tristan et Isolde à Nancy, le triomphe de Brangäne
Deuxième production Wagnérienne confiée par Laurent Spielmann au tandem Andréas Baesler, pour la mise en scène, et au chef Sébastian Lang-Lessing, pour la direction d’orchestre, faisant suite au Tannhäuser de 2002. C’est au drame intimiste de Tristan que se sont confrontés nos deux maîtres d’œuvre.
Andréas Baesler transpose fort justement l’histoire de nos deux héros à l’époque victorienne et c’est à bord d’un bateau de croisière qu’Isolde sera conduite auprès du Roi Mark, dispositif qui permet un superbe jeu d’acteurs, Isolde et Brangäne étant sur le pont supérieur, tandis que Tristan cache son désarroi à l’étage inférieur formé par les cabines des passagers. Regards intensifs et appuyés de nos deux héros qui illustrent fort à propos le récit du drame.
Le deuxième acte se situe dans une superbe chambre où de larges baies permettent de voir par transparence le départ des chasseurs, ombres fantasmagoriques qui préfigurent les angoisses de Brangäne. Pour le troisième acte, nous sommes transportés dans un lieu fantasmagorique : bateau éventré, avec au loin un immense hublot laissant voir un ciel constellé d’étoiles.
L’orchestre symphonique et lyrique de Nancy, dirigé avec gourmandise par son directeur musical Sébastian Lang-Lessing, épouse à merveille les envolées lyriques de la partition, geste large et battue généreuse qui soulignent les sous-entendus psychologiques et les non-dits voulus par Wagner.
Si aucun grand théâtre ne peut se passer de la magie de Tristan, il est bien difficile à ce jour de trouver les interprètes idéaux de nos deux amants, et Nancy ne put résoudre entièrement cette impossible équation.
L’Isolde de la soprano américaine Susan Owen n’échappe pas à cette règle : une superbe prestance et un physique ne suffisent pas à faire une Isolde. Malgré un médium bien timbré et des graves généreux, force est de constater qu’au-delà du la, ce ne sont que cris et hurlements, ce qui pénalise un duo d’amour, sans coupure de surcroît, et finit par briser la magie de ce point culminant de l’ouvrage.
Son Tristan, le ténor Louis Gentile, qui remplaçait le soir du 21 avril Patrick Raftéry suite à un deuil familial, se tire fort heureusement de ce rôle qui en à rebuter plus d’un. La voix est bien timbrée, le legato soutenu par un souffle inépuisable nous donne à entendre au troisième acte une scène d’anthologie, de plus le comédien est adroit et d’un physique fort avenant.
La véritable révélation de ces représentations est la mezzo Helena Zhidkova, qui dans Brangäne, met tout le monde K.O.. La chanteuse est racée, élégante, la voix est bien conduite, égales sur toute l’étendue, passe sans problème la masse orchestrale sans jamais forcer ses moyens naturels. Les appels du deuxième acte planent au dessus de l’orchestre avec une facilitée déconcertante. Kurwenal sans grand panache de Matthew Bes, et roi Mark fort émouvant d’Andrew Greenan. Une Brangäne qui tient la soirée sur ses épaules, et un orchestre survolté, font-ils un Tristan ? Cela est dommageable pour l’équipe Nancéenne, et son directeur, qui ont osés l’impossible.
Bernard Niedda
Portfolio de mise en scène (3 photos).
Opéra de Nancy et de Lorraine le 21 avril 2004, jusqu’au 27 avril.
Photo : DR
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