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Nancy - Compte-rendu : Trois Noces et un succès
Pari audacieux que celui de l’Opéra National de Lorraine et du Centre Chorégraphique National-Ballet de Lorraine de programmer, dans la même soirée trois versions des Noces de Stravinsky. On pourrait craindre la lassitude, or il n’en est rien, et cela grâce à l’intelligence de la scénographie.
La première version proposée repose sur la partition de 1917, pour voix solistes chœur et orchestre, dans une version concertante. Chœurs et solistes vêtus de noir, avec de superbes éclairages plongeants, permettent de goûter les différents climats voulus par Stravinsky.
Khatouna Gadelia, La Fiancée, voix claire d’une belle sensualité avec des aigus d’une grande douceur, survole avec aisance une tessiture placée sur les notes de passage.
Avi Klemberg, Le Fiancé, joli timbre de ténor di grazia, interprète avec élégance une tessiture des plus meurtrières.
Katalyn Varkonyl, La Mère, mezzo fruité aux graves jamais poitrinés, et Jean Yeitgen, Le Père, au timbre somptueux, qui joue avec une grande facilité du registre de falsetto, viennent compléter une distribution qui a la rude tâche de varier suffisamment son interprétation pour éviter la monotonie. Chœur magnifiquement préparé par Merion Powell, qui interprète avec générosité, une partition des plus complexes.
Les deux versions suivantes font appel la partition de 1923, pour voix solistes, quatre pianos et six percussions. Les danseurs du CCN-Ballet de Lorraine, ressuscitent avec bonheur, sous la direction d’Aleth Francillon, la chorégraphie de Bronislava Nijinska., qui, dans cette conception, évoque le folklore russe, où les épousailles ne sont en rien la conclusion heureuse d’une histoire d’amour. Perfection des ensembles, gestuelle qui souligne efficacement la rythmique, ternaire-binaire, qui circule tout au long de la partition. Mais quelle idée de placer les solistes dans les loges d’avant-scène ; ceci a pour effet de perdre une grande partie des voix et du texte et pénalise, de ce fait, la traduction de Charles-Ferdinant Ramuz.
C’est au chorégraphe Tero Saarinen qu’est confiée la troisième vision de Noces.
Ici nous sommes dans un univers intemporel - les superbes costumes futuristes d’Erika Turunen créent un climat angoissant -, où deux jeunes innocents essayeront d’accomplir leur devoir en accord avec l’éternel cycle de la vie ou seront, une fois de plus, sacrifiés au nom de quelque entité supérieure. Un demi-cercle enserre la scène sur lequel vont évoluer avec une précision gestuelle chirurgicale, non seulement le ballet, mais également le chœur et les solistes, réussissant à créer une ambiance sacrificielle, qui siérait admirablement au Sacre du printemps.
La direction acérée, précise de Jonathan Schiffman, fait ressortir les brisures rythmiques de la partition. Mais d’où vient que la version pour orchestre de 1917 sonne avec moins de précision rythmique que la version pour quatre pianos et six percussions ? Peut-être est-ce dû à la disposition en fosse qui étouffe la projection sonore. Malgré ce léger inconvénient, la direction de l’Opéra National de Lorraine et du CCN-Ballet de Lorraine vient prouver avec ce superbe spectacle qu’une programmation mûrement réfléchie aboutit à une grande soirée.
Bernard Niedda
Nancy, 19 décembre 2007
Programme de l’Opéra de Nancy et de Lorraine
Photo : DR
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