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Nantes - Compte-rendu : Flûte en flibuste. La Flûte enchantée selon Patrice Caurier et Moshe Leiser
Débarqué à Nantes pour ces Journées si folles que l’on ne peut y accéder au concert, on se laisse dévoyer pour aller à Graslin où se joue la première d’une Zauberflöte signée Caurier-Leiser. Décidément l’année Mozart a du bon. Après la reprise par le Capitole de Toulouse du Cosi fan tutte de Strehler, son opus ultimum, servi par des interprètes assez exemplaires – précipitez vous il ne reste que deux représentations les 31 janvier et 2 février – voici une nouvelle preuve de l’heureuse vitalité des maisons d’opéra de nos provinces. Et pourtant, on le sait, Mozart ne pardonne rien.
En ce soir de première - cela s’arrangera peut-être – il n’a pas épargné la direction de Steven Sloane, qui ignore le plateau et prend ses chanteurs déjà partis. Ce sera le seul bémol. Patrice Caurier et Moshe Leiser on signé une des plus jolies Zauberflöte que l’on ait vu, comme un hommage à celle de Bergman, citée explicitement lorsque les animaux entourent Tamino, charmés par sa flûte. Les Trois Dames très corsaires zigouillent le serpent en lui envoyant une bombe d’abordage, Pamina et les enfants s’envolent aux cintres dans des chorégraphies aériennes subtilement réglées, Papageno libère ses colombes blanches dans le théâtre, partout s’instaure une fluidité rêveuse que même les tempêtes de la Reine de la Nuit (une décoiffante colorature turque, Burcu Uyar, mordante et vipérine, dommage que le solfège lui fasse défaut) ne parviennent pas à interrompre.
Chez Sarastro, campé sur des échasses, c’est le Monostatos d’Erik Huchet, Jack l’éventreur pour rire, qui emporte la palme et provoque l’éclat de rire lorsque ses hommes, une demi brigade de cops aux tronches vermeilles, font irruption devant le rideau tiré. Quelle voix, quel talent d’acteur ! Les sectateurs du Grand Maître, morne peuple en chapeau, en disent long sur le regard ironique que portent les metteurs en scène sur le royaume de la lumière. Dommage que les épreuves passent, au propre comme au figuré, à la trappe, mais c’est l’écueil contre lequel buttent toutes les Zauberflöte.
La distribution réservait des surprises et une révélation : beau Sarastro, pas encore assez égal sur sa tessiture en terme de volume d’Eric Owens, une Pamina à l’émission franche, à la voix tendue, capable de poésie mais qui offrait une vision volontiers dramatique de son personnage, Marie Arnet qui fut l’été dernier la Mélisande de Glyndebourne, la Première Dame de Virgine Pochon, rouée et conquérante à souhait, le Tamino encore trop tenu de Marcel Reijans, la Papagena impayable sous son attifement d’oiseau déplumé et arthritique de Katia Velleraz, tous rendaient les armes devant le Papageno si naturel de Thomas Oliemans (photo ci-dessus), décidément homme des bois, d’une bonté à toute épreuve, drôle par génie, à la voix généreuse et au jeu inspiré. Peut-être bien le grand Papageno de sa génération. Le spectacle tourne entre Nantes et Angers jusqu’au 18 février, si vous êtes dans les parages…
Jean-Charles Hoffelé
Première de la Flûte enchantée de Mozart, Théâtre Graslin, Nantes, le 27 janvier. A Nantes, Théâtre Graslin, les 29 et 31 janvier, puis les 2, 4 et 6 février. A Angers, au Grand Théâtre les 12, 14, 16 et 18 février.
Photo : DR
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