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Nina Stemme et Iván Fischer au Festival de Verbier - Une grandiose fête wagnérienne - Compte rendu
Avec son fabuleux réseau le Festival de Verbier a l’art de tirer de son chapeau des merveilles en cas d’urgence ! Il y a quelques années, Christian Tetzlaff avait ainsi déclaré forfait. Peu avant son concert. Aucun souci : un certain Maxim Vengerov passait par là et fut tout heureux de servir de doublure ! De même cette année : on savait depuis quelques jours que la grande wagnérienne Anja Kempe ne pouvait être présente. Pour la remplacer on a donc invité la formidable Suédoise Nina Stemme, tout simplement la première Isolde, la plus vaillante Brünhilde à ce jour. Et la pluie qui tambourinait, comme elle le fait souvent sur le toit des Combins, n’a pas réussi à la dépasser !
D’emblée cela donne la mesure de la qualité du concert, pour lequel il faut saluer en premier, le cru hors normes du Verbier Festival Orchestra, qui a sonné cette année particulièrement brillant, avec des bois et des violons d’une superbe harmonie. Charles Dutoit est certes toujours à leur tête, avec son électricité dont ils peuvent supporter les décharges, mais là ils étaient aux mains d’un chef d’une comparable énergie, et d’une sensibilité plus éloquente. Le Hongrois Iván Fischer est un étonnant meneur d’hommes, comme le montre l’excellence de son orchestre à Budapest, et il distille surtout une joie, une sorte de fraîcheur juvénile que ses 65 ans n’ont en rien entamée. On peut d’ailleurs noter que fréquemment les chefs amenés à se confronter à l’énergie et l’enthousiasme des jeunes gens réunis à Verbier et qu’il faut juste relier par le fil subtil de la voix orchestrale semblent y prendre un grand plaisir, tant l’enjeu est exaltant.
Iván Fscher et le Verbier Festival Orchestra @ Nicolas Brodard
Fischer brûle de faire partager ses amours, à l’évidence, avec sa direction et sa gestique précises et terriblement efficaces. Ici Wagner, pour tout menu, avec des extraits qui rappellent les programmations des grands concerts de jadis, faits de pièces maîtresses, à la résonance et à la popularité telles que de les recevoir ainsi en morceaux choisis ne gêne guère. Un très traditionnel best of, donc, commencé sur la solennelle Ouverture des Maîtres Chanteurs, qui met en condition le plus étourdi des spectateurs retardataires ou distrait. Puis place à la descente abyssale de Tristan et Isolde, ouverte sur son Prélude, superbement tenu par les violons, pour lesquels cette page est particulièrement difficile et ensuite achevée par l’apparition dans le Liebestod de Nina Stemme, brûlée, brûlante, planant haut grâce à des aigus qui ne souffrent d’aucune faiblesse.
La deuxième partie se consacrait au Ring avec le Voyage de Siegfried sur le Rhin, la Marche funèbre, cognée de façon écrasante et enfin l’incontournable Scène finale du Crépuscule des Dieux avec une Nina Stemme surdimensionnée. On peut trouver voix plus émouvante certes mais cette force d’airain, cette diction qui happe le mot avant de le projeter dans la note qui va l’exalter n’ont pas d’égales à ce jour, et si l’orchestre mettait toute sa jeune ardeur à déployer ce crescendo prodigieux, la voix de la soprano, elle, les dépassait de toute sa hauteur, sans peur ni reproche. Et on aura noté l’énorme bague dorée qui brillait à son majeur gauche, comme si la violence de son chant n’avait pas suffi à donner une couleur d’épopée à son récit flamboyant !
Le festin wagnérien comme on aime à l’engloutir, acclamé par un public de vrais mélomanes, qui savait respecter les silences.
Jacqueline Thuilleux
Verbier, Combins, 4 août 2016. Concerts jusqu’au 7 août 2016 / www.verbierfestival.com
Photo © Nicolas Brodard / Festival de Verbier
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