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Oneguine de John Cranko par le Ballet de l’Opéra - Grands envols - Compte-rendu
Splendide retour aux sources que l’Oneguine de John Cranko, emblématique de ces grands ballets narratifs que le chorégraphe sud-africain remit à la mode dans les années 60, retrouvant les grands axes développés à Paris et Saint-Pétersbourg, eux-mêmes hérités du vieux ballet d’action. Finesse et simplicité, art du récit, sens dramatique et caractérisation éloquente des personnages, telles furent les atouts de Cranko, dont la disparition brutale dans un avion, à 46 ans, laissa désemparée sa superbe équipe du ballet de Stuttgart, auquel il avait donné une identité nouvelle. De lui, on eut un Lac des Cygnes, un Roméo et Juliette, une Mégère apprivoisée, et bien d’autres pièces maîtresses, mais Oneguine, créé en 1965, est resté son chef-d’œuvre, échappant au vieillissement, et l’on se réjouit que l’Opéra de Paris l’ait inscrit à son répertoire en 2009.
Seul bémol, le ballet, s’il est d’une grande beauté, n’est cependant pas à mettre entre toutes les oreilles ! Rares sont en effet les opéras que la danse a su doubler, la forme lyrique étant bien assez nourrie pour ne pas supporter de contrepoints gestuels. Béjart en fit la cruelle expérience avec sa Flûte Enchantée ratée, tandis que la Damnation de Faust (l’oeuvre n’étant qu’un oratorio) passa mieux la rampe. Cranko, lui, ne voulut pas se glisser dans l’opéra, mais en suivit le déroulement selon une autre voie, assez étrange : l’amoureux du chef-d’œuvre de Tchaïkovski se sent alors frustré, perdu, en ne retrouvant aucune des pièces mythiques de l’opéra, à savoir la lettre de Tatiana, l’air de Lenski, celui de Gremine, les scènes de danse remplacées par d’autres rythmes, d’autres mélodies, mais toujours de Tchaïkovski, ce qui crée une bizarre déroute.
La danse, heureusement, comble les plus difficiles et les deux couples réunis pour cette soirée, dans les coûteux et délicats décors de Jürgen Rose, ont été éblouissants : Aurélie Dupont, fluide et expressive comme à l’accoutumée, face à un bel étranger venu de Stuttgart remplacer Nicolas Le Riche souffrant, Evan Mc Kie, stature et masque de sombre héros romantique, comme descendu d’un cadre. Et, en contrepoint de leur intensité dramatique, la jeunesse étourdissante de Josua Hoffalt et Myriam Ould-Braham. Pas de deux tourbillonnants, d’une extrême difficulté, cambrés poétiques qui annoncent la patte d’un Neumeier, lequel, disciple de Cranko, allait dépasser le maître treize ans plus tard dans sa Dame aux camélias, créée pour la muse des deux chorégraphes, la bouleversante Marcia Haydée, un style magnifique est là, qui revivifia le ballet classique. Il est bon de voir les danseurs de l’Opéra s’adonner ainsi au romantisme, même si l’Orchestre Colonne dirigé par James Tuggle, peine parfois à les suivre dans cette voie.
Jacqueline Thuilleux
Onéguine (ballet de John Cranko) – Paris, Palais Garnier, le 9 décembre, prochaines représentations les 13, 14, 16, 19, 20, 21, 22, 24, 24 ( à 14h 30 et 20h), 26, 27, 28, 29, 30 et 31 décembre 2011.
www.operadeparis.fr
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Photo : Sébastien Mathé / Opéra national de Paris
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