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Orchestre Lamoureux : retour aux fondamentaux - Une interview de Fayçal Karoui, nouveau directeur musical de l’Orchestre Lamoureux
Après six années enrichissantes au New York City Ballet, Fayçal Karoui prend la direction musicale de l’Orchestre Lamoureux et ouvre (le 14 octobre au Théâtre des Champs-Elysées) une saison placée sous le signe de la musique française, ce qui n’étonne pas de la part de l’ancien assistant de Michel Plasson à Toulouse. Rencontre avec un chef qui se partage désormais entre Paris et son Orchestre de Pau-Pays de Béarn, et demeure un mordu de ballet comme l’atteste le spectacle Balanchine qu’il dirige jusqu’au 18 octobre au Palais Garnier.
Dans quelles circonstances avez-vous été amené à prendre la direction musicale de l’Orchestre Lamoureux ? Que représente ce nouveau poste pour vous ?
Fayçal Karoui : J’avais dirigé l’Orchestre Lamoureux à deux reprises par le passé. Les choses se sont très bien déroulées et les musiciens de l’Orchestre – qui président à leurs destinées car ils sont en régime associatif – m’on demandé si je voulais bien vivre cette aventure avec eux. J’ai accepté en sachant qu’elle allait être à la fois passionnante et un peu difficile. Je reste directeur musical de l’Orchestre de Pau, mais j’ai démissionné du New York City Ballet en partie pour l’Orchestre Lamoureux, parce que je savais que c’était un défi. Il fallait que je puisse le relever en étant très présent ici.
Il y a aussi une cohérence « française » dans ce choix, dans la mesure où vous avez autrefois été assistant de Michel Plasson à l’Orchestre du Capitole de Toulouse. Quel est votre projet avec l’Orchestre Lamoureux ?
F. K. : J’ai proposé aux musiciens d’écrire un projet pour l’Orchestre. C’est une formation qui, d’une part, a 131 ans d’existence, une histoire formidable, une place fondamentale dans l’histoire de la musique mais qui, de l’autre, se trouve dans une situation financière fragile. Lorsque les musiciens m’ont proposé de venir c’était aussi pour réfléchir à la place de l’Orchestre Lamoureux à Paris et sur le plan national et international. J’ai proposé de revenir aux fondamentaux de la formation : la musique française et les créations.
Comment s’organise la saison qui démarre le 14 octobre au Théâtre des Champs-Elysées ?
F. K. : Retour aux fondamentaux donc. En termes de visibilité, de lisibilité, je pense qu’il est bien d’avoir une spécificité de l’Orchestre Lamoureux. Quand j’ai entendu cet orchestre, j’ai trouvé qu’il avait une « couleur musique française » très prononcée. De plus, je pense que c’est un répertoire absolument fantastique qu’on ne défend pas toujours assez et dans lequel l’Orchestre Lamoureux a joué un rôle extrêmement important. Il a créé La Mer, La Valse, les Valses nobles et sentimentales, le Boléro, la 3ème Symphonie de Magnard et bien d’autres chefs-œuvre encore. Du fait des années passées à Toulouse auprès de Michel Plasson je me considère, tout à fait modestement, un peu investi d’une mission envers ce patrimoine français. C’est une musique superbe et je suis convaincu qu’il y a une place pour ce répertoire. Je ne dis pas que je ne ferai que ça, mais la saison 2012-2013 de Lamoureux est architecturée autour d’œuvres qui ont été créées par l’Orchestre et aussi d’œuvres nouvelles, car il est indispensable de jouer des compositeurs d’aujourd’hui. Lors du concert d’ouverture nous donnerons (avec Jérôme Pernoo) le Concerto pour violoncelle de Guillaume Connesson, un grand ami avec lequel j’ai travaillé à l’Orchestre de Pau. Par la suite on entendra du Thierry Escaich, avec Thierry à l’orgue, du Philippe Hersant, du Laurent Petitgirard.
La saison de Lamoureux se passe aussi « hors le périph » avec d’abord des concerts à Rungis (dès le 12 octobre), mais aussi en lien avec la Folle Journée nantaise…
F. K. : Et avec la Folle Journée à Tokyo ! La collaboration avec Rungis existait avant que je n’arrive à l’Orchestre. J’ai évidemment souhaité qu’elle se poursuive car il est suffisamment rare de voir une ville aux alentours de Paris qui, comme Rungis, investit dans la musique classique. Le maire a vraiment la volonté d’offrir aux Rungissois une vraie saison symphonique. Nous poursuivons donc ce partenariat ; nous l’élargissons même avec de l’action culturelle. Il est très positif aussi pour l’Orchestre que de pouvoir redonner les programmes. Un tel partenariat n’a que des avantages et aucun inconvénient ; je suis ravi qu’il existe.
Qu’en est-il de Nantes… et de Tokyo donc ?
F. K. : Je n’ai pas proposé la saison de l’Orchestre en fonction de la prochaine Folle Journée, mais il se trouve que ça a coïncidé avec le thème musique française de l’édition 2013. Je suis allé voir René Martin, que je connaissais déjà pour avoir participé à la manifestation avec l’Orchestre de Pau, à la fois à Nantes et à Tokyo. Lorsque je lui ai annoncé que je prenais la direction de Lamoureux, il a répondu positivement et s’est je crois senti heureux de pouvoir participer un peu à la phase de renouvellement dans laquelle entre l’Orchestre. Entre Nantes et la sa région nous donnerons dix-sept concerts en tout. Le nombre de concerts à Tokyo et dans une autre ville n’est pas encore définitivement fixé, mais l’Orchestre sera au Japon du 30 avril au 6 mai.
Vous avez fait rapidement allusion à la situation financière fragile de l’Orchestre. Où en est-il de ce point de vue ?
F. K. : D’une manière générale la culture vit sous perfusion et, avec la crise, l’argent public se raréfie. Il y a une réflexion à mener sur un autre modèle économique. Mon expérience à New York m’a beaucoup apporté. Là-bas le système est très différent ; il n’y a pas d’argent public, le mécénat joue un rôle essentiel. Je prends beaucoup de contacts en ce moment avec des mécènes et nous sommes en train de réfléchir avec l’Orchestre à un autre mode de gouvernance permettant à des gens venus de l’extérieur de participer à notre aventure, de nous faire bénéficier de leurs conseils et de leur expertise. L’idée est de voir comment on peut faire évoluer la structure sans changer l’âme de l’Orchestre Lamoureux. Nous sommes au cœur de cette réflexion. Et déjà nous avons la chance que LVMH soit partenaire de l’Orchestre.
Il y a en ce moment une prise de conscience collective avec les musiciens : nous sommes tous actionnaires d’une petite entreprise ; pour continuer à vivre nous devons accroître nos ressources propres, c’est à dire le public des concerts. Il faut tout faire en ce sens. Nous n’avons pas les moyens – et je ne pense pas que ce soit la bonne solution – de lancer de grandes campagnes d’affichage dans le métro ou sur les colonnes Morris ; c’est grâce aux médias, grâce au bouche à oreille qu’il faut essayer de remplir les salles. J’espère que le public suivra. Il y a déjà un public d’aficionados de Lamoureux, mais il faut qu’il augmente.
Votre rentrée parisienne a déjà eu lieu alors que nous parlons puisque vous dirigez à Garnier, depuis le 24 septembre, l’Orchestre de l’Opéra dans le spectacle George Balanchine (musiques de Tchaïkovski, Stravinsky, Prokofiev). Vous avez passé six ans au New York City Ballet : que vous a apporté cette relation étroite avec l’univers de la danse ?
F. K. : J’ai dirigé mon premier ballet quand j’étais à Toulouse auprès de Michel Plasson et je suis tombé amoureux de cet univers, à la fois des danseurs et du répertoire. On a le goût des catégories en France : lorsqu’on m’a proposé de devenir chef au New York City Ballet, certains amis ont tenté de me dissuader en me disant que j’allais être catalogué « chef de ballet ». Je n’en ai pas tenu compte et cette expérience m’a permis d’aborder un répertoire absolument sensationnel. C’est un univers extraordinaire ; le rapport avec les danseurs m’a beaucoup appris sur la flexibilité, etc. Ce sont des artistes fantastiques - et des sportifs de haut niveau. J’adore le ballet, je continue et je continuerai à en faire !
Propos recueillis par Alain Cochard, le 26 septembre 2012
Concert de rentrée de l’Orchestre Lamoureux
Dir. Fayçal Karoui / Jérôme Pernoo, violoncelle
Œuvres de Dukas, Connesson, Ibert, Ravel
14 octobre - 17h
Théâtre des Champs-Elysées
12 octobre – 20h30
Théâtre de Rungis – Arc en ciel
Tél. : 01 45 60 79 00
Site de l’Orchestre Lamoureux : www.orchestrelamoureux.com
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