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Ouverture du cycle Nadia Boulanger à la Maison de la Radio – Musiques d’esprits libres – Compte-rendu
Mikko Franck & Emmanuel Pahud © Radio France - Christophe Abramowitz
Le premier concert, confié à Mikko Franck, évoque opportunément la naissance de l’art symphonique américain avec la Symphonie pour orgue (1924) d’Aaron Copland, une œuvre écrite par le jeune compositeur de 24 ans lors de son séjour au Conservatoire américain de Fontainebleau, et dédiée à Nadia Boulanger qui assura la création de la partie soliste à New York le 11 janvier 1925 (soit 98 ans jour pour jour avant ce concert !). La direction précise, énergique et tranchante de Mikko Franck fait bien sentir la modernité de l’œuvre, qui tourne résolument le dos à l’harmonie et aux développements de l’héritage romantique. Le jeu rythmique et les oppositions de dynamique sont mis en avant dans cette lecture qui permet d’apprécier la qualité des solistes : l’organiste Lucile Dollat (photo), qui honore ainsi sa résidence auprès de l’instrument de l’Auditorium, mais aussi la flûtiste Magali Mosnier, la hautboïste Hélène Devilleneuve, l’altiste Christophe Gaugué ou le violon solo invité Volkhard Steude.
Cette première symphonie eut une profonde influence sur l’émergence d’une tradition symphonique états-unienne, avec Virgil Thomson, Roy Harris ou William Schuman par exemple. Deux autres œuvres au programme montrent cependant la diversité esthétique éclose parmi les élèves de la « Dear Mademoiselle », ainsi qu’il était coutume d’appeler Nadia Boulanger. A Symphonic Prelude, œuvre tardive (1961) de Walter Piston (1894-1976), sous la direction ample et directe de Mikko Franck, montre l’appropriation par les compositeurs états-uniens d’un idiome philharmonique universel, au détriment de l’expression et de la singularité (à cette époque, Copland, s’attelle, lui, dans ses Connotations par exemple, à revisiter son langage à la lumière des avant-gardes européennes).
Emmanuel Pahud © Christophe Abramowitz / Radio France
À l’inverse, le Concerto pour flûte et ensemble, composé par un Elliott Carter presque centenaire est une merveille d’invention permanente. Peut-on y entendre encore la trace de l’enseignement de Nadia Boulanger ? Peut-être dans la clarté de l’écriture – pourtant complexe – qui permet au compositeur d’imaginer des transitions – échos, réponses – entre le soliste et l’orchestre. C’est aussi la liberté rythmique que Nadia Boulanger avait su insuffler dans l’esprit d’Aaron Copland et qui se trouve ici démultipliée. Créateur de l’œuvre en 2008, Emmanuel Pahud se joue de cette partition à la fois tendue et joyeuse, accidentée et déliée. Il répond avec une même justesse de style à la Fantaisie op. 79 de Fauré, morceau de concours composé en 1898 orchestré et orchestré en 1957 par Louis Aubert : la virtuosité, qui est de mise dans ce genre de pièce, n’efface jamais la qualité mélodique qu’Emmanuel Pahud fait briller avant de saluer l’ovation enthousiaste du public par une interprétation merveilleusement ciselée de Syrinx de Debussy.
Contemporaines de Syrinx, les Trois pièces pour violoncelle et piano de Nadia Boulanger partagent une même clarté d’articulation, une même volonté de laisser s’épanouir le son, même si le cadre formel est plus conventionnel. Avec leur interprétation posée, rigoureuse dans le dialogue contrapuntique et enflammée dans le finale « nerveusement rythmé », le violoncelliste Renaud Guieu et la pianiste Catherine Cournot offraient une belle respiration chambriste avant de rejoindre les rangs du Philhar’ pour la symphonie de Copland.
Jean-Guillaume Lebrun
Paris, Auditorium de la Maison de la radio et de la musique, 11 janvier 2023
Prochains concerts du cycle « Nadia Boulanger » les mercredi 18 janvier à 20h et dimanche 29 janvier à 16h.
www.maisondelaradioetdelamusique.fr/evenement/musique-chorale/chorus-line-4-nadia-boulanger-5/leonard-bernstein-lionel-sow
Photo Lucile Dollat © Christophe Abramowitz / Radio France
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