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Pablo Heras-Casado dirige le Requiem de Berlioz à la Philharmonie de Paris – Ferveur inspirée – Compte-rendu
La Grande Messe des morts aurait certes pu suffire à occuper la soirée, mais le chef a souhaité la faire précéder de la Musique funèbre pour cordes de Witold Lutoslawski – composition de 1958, « à la mémoire de Béla Bartók ». Choix opportun car cette pièce (pas entendue à l’Orchestre de Paris depuis un quart de siècle) prélude idéalement à l’ouvrage de Berlioz, d'autant qu'elle est ici restituée avec tout son sombre lyrisme, son mystère, son ampleur et que, excellente idée !, elle s'enchaîne à l’Introit du Requiem. Fabuleuse transition, sans l’ombre d’un hiatus, entre deux univers ...
© Riccardo Musacchio - Flavio Ianniello
Le Requiem donc. Nous ne sommes qu’en février, mais il y a fort à parier que cette interprétation s’inscrira parmi les plus grands moments de l’année du bicentenaire en France. Heras-Casado a énormément fréquenté la musique chorale à ses débuts (et il n’y a pas si longtemps encore ; on songe à son splendide disque Praetorius avec le Balthasar-Neumann-Chor-und-Ensemble pour Archiv Production), dès lors on comprend mieux l’une des qualités premières de son approche : il ne dirige pas un orchestre et un chœur, mais un tout, animé d’une vie organique et continûment modelé avec un sens de l’équilibre jamais pris en défaut. La puissance est évidemment là à chaque fois qu’il le faut (quel formidable, au sens étymologique, Dies Irae !), mais la démarche se garde toujours de la lourdeur, du mastoc.
Aucune contradiction entre la démesure des moyens employés par le compositeur et la clarté du résultat, l’intensité du lyrisme et la justesse dans la caractérisation de chacune des sections, Heras-Casado parvenant à l’accord parfait des couleurs orchestrales (la réunion des deux orchestres s’avère une pleine réussite et constitue, on l’imagine aisément, une expérience inoubliable et hautement formatrice pour tous ces jeunes instrumentistes venus du Conservatoire voisin !) et de celles du chœur (merveilleusement préparé par Lionel Sow pour sa partie parisienne et par José Antonio Sainz Alfaro pour la basque).
Quant à la redoutable partie de ténor du Sanctus, Frédéric Antoun – voix lumineuse, souple, jamais en force – s’en acquitte de la plus belle façon ; sa position, en retrait au premier balcon à jardin, contribuant à un dialogue nimbé de poésie avec le chœur, avant que ne conclue un Agnus Dei fervent et inspiré, à l’image de l’ensemble d'un concert conduit par un chef de très haute stature.
Alain Cochard
Paris, Philharmonie, 20 janvier 2019
Diffusée en direct ur Arte Concert, la soirée du 20 février est disponible à la réécoute six mois durant : www.arte.tv/fr/videos/087798-000-A/le-requiem-de-berlioz/
Photo © Xavier Del Real
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