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Paris - Compte-rendu - Albert Herring à la Salle Favart - Un rosier bien taillé
Albert Herring, comme Paul Bunyan et Owen Wingrave, n'a jamais réussi à s'imposer en France, à la différence de Peter Grimes, de Billy Budd ou du Tour d'écrou qui y ont fait la notoriété de Britten. Gageons que la production d'Albert Herring présentée jusqu'au 9 mars à l'Opéra Comique, après avoir été créée à Rouen, permettra à cette oeuvre d'entrer enfin au répertoire. Inspiré de la nouvelle de Maupassant « Le rosier de Madame Husson », Albert Herring composé en 1947 est un irrésistible opéra de chambre, dans lequel Britten prend un plaisir contagieux à la comédie de moeurs, en faisant étalage de son immense talent de musicien, d'orchestrateur et de mélodiste.
Richard Brunel remarqué il y a peu avec L'infedelta delusa de Haydn (Aix et Sceaux en 2008) et son équipe, ont choisi de transposer l'intrigue censée se dérouler à l'époque victorienne dans la campagne anglaise, verte donc, forcément, dans une micro-société bien pensante, au temps de la vidéo surveillance, du portable et de l'horloge un peu trop parlante. De nos jours encore certaines villes de province restent attachées au maintien des traditions et à la permanence de la vertu, ce qui rend finalement cette histoire de "Roi de Mai" assez proche. Quelques notables dominés par l'austère Lady Billows et la bigote Florence Pike, élisent ainsi un innocent épicier, cloîtré le plus clair de son temps dans sa supérette, faute d'avoir pu trouver une jeune fille recommandable. Mais contre toute attente, après un interminable banquet où les discours officiels se succèdent Albert, grisé sans le savoir - ce qui nous vaut une hilarante référence au philtre bu par Tristan et Isolde - par deux de ses amis, Sid et Nancy, se volatilise. Alors que tout le monde le croit mort, il réapparaît et raconte à la consternation générale, sa nuit de débauche et se libère enfin du joug maternel.
Avec un humour constant, un jeu vif et précis, d'amusants décors en perpétuel mouvement (actionnés par une tournette) et l'utilisation très habile de la vidéo pour mieux saisir les expressions et traquer les pensées de chacun, Richard Brunel signe une mise en scène alerte et inspirée. La distribution compte également beaucoup pour la réussite de ce spectacle : britannique pour la plupart, chaque interprète est idéalement à sa place. Le jeune Allan Clayton avec ses allures à la Ewan McGregor, campe un Albert à l'énergie communicative, que l'on se plaît à suivre tout au long de son parcours quasi initiatique de la naïveté vers la liberté. Aussi guindée que vertueuse, la Lady Billows de Nancy Gustafson est parfaite en gardienne de l'ordre moral de Loxford, tout comme la Florence Pike portraiturée avec finesse par une Felicity Palmer haute en couleur.
Hanna Schaer (Mrs Herring) poursuit sa galerie d'héroïnes britteniennes avec son art habituel, suivie de près par le baryton Leigh Melrose excellent Sid et la remarquable Julia Riley, Nancy pleine de sollicitude. Christopher Purves (Le vicaire, Mr Gedge), Ailish Tynan (Miss Wordsworth), Andrew Greenan (Commissaire Budd) et Simeon Esper (Le Maire, Mr Upfold) tous impeccables complètent ce cast, dirigé d'une main de fer par Laurence Equilbey. Celle-ci n'a pas toujours la souplesse nécessaire, ce qui nous vaut quelque raideur dans le dessin mélodique, mais sa maîtrise des masses et sa gestion des nombreux concertati sont la marque d'un chef de qualité.
François Lesueur
Benjamin Britten : Albert Herring, Opéra Comique le 28 février, puis les 2, 4, 6 mars 2009
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Photo : DR
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