Journal
Paris - Compte-rendu : Cédric Tiberghien – Voyage vers l’infini
Un enregistrement aussi original(1) qu’abouti l’a prouvé il y a quelques mois : Cédric Tiberghien témoigne d’une compréhension profonde des Ballades de Frédéric Chopin. Si elle ne surprend donc pas, la réussite du jeune artiste en concert dans ces ouvrages n’en force pas moins l’admiration tant le sujet est dominé. Rien toutefois chez lui de ces virtuoses pressés « alignant » mécaniquement quatre pièces qui n’ont jamais été pensées pour être données conjointement.
Avec autant de sensibilité que de calme assurance, le pianiste nous entraîne dans la Ballade n°1. Rien de tape-à-l’œil - on ne surprend jamais Tiberghien à « lisztianiser » la virtuosité chopinienne - ; sous ses doigts chaque détail du texte est substance mélodique, tout respire, et l’intensité expressive procède plus d’une parfaite maîtrise de l’agogique du morceau que d’une accentuation excessive des contrastes. Avec une liberté tantôt rêveuse tantôt fière, le caractère de la pièce s’exprime, là comme dans les trois morceaux suivants. Que de naturel dans l’enchaînement des sections contrastées de la Ballade n°2 - la chose est assez rare dans cet opus difficile pour être saluée ! -, de lyrisme et de virilité dans la Ballade n°3, de richesse et subtilité de la palette de couleurs dans la Ballade n°4. Ainsi conduit l’enchaînement des quatre Ballades se mue en un merveilleux voyage poétique.
Un autre attendait l’auditeur juste après, puisque la Sonate op 111 de Beethoven complétait le programme. Le changement radical d’univers n’a aucunement perturbé l’interprète, mais il est vrai que Beethoven est le « pain quotidien » de Tiberghien depuis quelques années et on ne voit guère d’autres exemples d’artistes français de trente ans possédant la totalité des 32 sonates et les ayant déjà données intégralement en concert – on peut en dire autant des concertos.
Empoignée avec une belle autorité mais sans rien de hautain, son interprétation de la Sonate n°32 traduit plus que tout la maturité à laquelle le lauréat du Concours Long-Thibaud 1998 est aujourd’hui parvenu. Architecture et expression ; intellect et cœur vont toujours de pair dans son approche et le voyage vers l’infini dans lequel le second mouvement nous entraîne, signale que, à la suite d’Yves Nat et d’Eric Heidsieck, la lignée des grands beethoveniens français à trouvé en Tiberghien un superbe continuateur. On admire d’autant plus que… onze heures du matin un dimanche, ce n’est pas forcément l’heure la plus normale pour une telle performance.
Alain Cochard
(1) CD Harmonia Mundi. Le programme présente en effet l’originalité d’insérer les quatre Ballades, op 10 de Brahms entre les Ballades nos 2 et 3de Chopin
Théâtre du Châtelet, 2 décembre 2007
Programme détaillé du Théâtre du Châtelet
Photo : DR
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