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Paris - Compte-rendu - Création partielle : Les Bassarides au Châtelet
Après la grève des techniciens de Radio France qui a contraint l’Orchestre Philharmonique à abandonner le projet des Bassarides, puis le retrait pour des raisons obscures de l’Orchestre Lamoureux, Jean-Pierre Brossmann a-t-il eu raison de maintenir la création française du neuvième opéra de Hans Werner Henze ?
La réponse est oui, sans conteste. Il faut chaleureusement féliciter Kazushi Ono pour son audacieuse réduction d’un orchestre immense à vingt et un pupitres. Hélas, dans un opéra que le compositeur a rêvé avec un profil symphonique, une grande part de la puissance d’impact de cette musique s’est évaporée. C’est d’autant plus regrettable que la mise en scène de Yannis Kokkos, avec son Mont Cithéron en arrière plan, sa direction d’acteur impeccable, ses sobres décors endeuillés, son art de la suggestion, restera probablement comme l’une de ses plus abouties, sans aucune concession aux tics de l’époque auquel il fut sensible voici peu encore (on se souvient de son commando mitraillette au poing dans Les Troyens).
Brossmann avait réuni une distribution immaculée, l’Agave perdue de June Anderson cheminant sur le précipice de sa propre confusion, la Béroé de Pont Davis, le Cadmos peinant à se résigner de Matthew Best, chanteur toujours aussi impeccable, le Tirésias de Kim Begley, Robin Adams étonnant de présence dans le rôle secondaire du Capitaine et luxe absolu pour Autonoé la flamboyante Marisol Montalvo. Les deux rôles antagonistes ont trouvé leurs maîtres, et Dieu sait si ils sont exigeants, stylistiquement comme techniquement pour qui veut les aborder. Le Dionysos de Rainer Trost faisait irrésistiblement penser par la finesse de sa composition à l’Edrisi du Roi Roger de Szymanowski, mais la révélation de cette production fut Franco Pomponi, Penthée musculeux incarnant l’homo érotisme de ce rôle dans lequel Henze avoua s’être projeté.
La voix de grand baryton est splendide, le chant sostenuto impressionnant, la caractérisation surprenante de vérité, le jeu en scène d’une subtilité qui va presque à contrario d’un physique athlétique. Un Oreste pour demain, déjà un Posa, un Billy Budd atypique certainement. La perfection de cette production doit lui valoir une reprise, qui sait, peut-être Kazushi Ono voudra-t-il, pourra-t-il, la reprendre à la Monnaie de Bruxelles où il sera certain que son orchestre, lui, ne lui fera pas défaut.
Jean-Charles Hoffelé
Hans Werner Henze, Les Bassarides, Théâtre du Châtelet, le 13 avril, puis les 15, 17, 21 et 23 avril.
Photo: DR
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