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Paris - Compte-rendu - des semi sortilèges au Théâtre des Champs-Elysées ; Oleg Caetani remplace Bernard Haitink
On attendait Haitink, il déclara forfait. Dommage, car la soirée ne du pas grand-chose à son remplaçant, Oleg Caetani. Le voyant entrer en scène, on ne pouvait s’empêcher de songer à son père, Igor Markevitch, dont il a hérité l’exacte silhouette, sinon la totalité du génie. Une Haffner très « altmödisch », comme on n’espère plus en entendre, avec un National éteint et distrait, laissait craindre pour la seconde partie du concert.
L’Enfant et les Sortilèges n’est plus si souvent donné par les formations symphoniques de la Radiodiffusion qui en furent longtemps les spécialistes incontournables et en signèrent au disque deux versions magistrales (Bour en 1948, Maazel en 1965). On songeait Ravel mieux armé que Mozart pour résister à la battue scolaire de Caetani. Grossière erreur. Dés l’intrada des hautbois et du contrebasson on pouvait entendre les instrumentistes compter alors qu’à la première mesure déjà, tout doit être fluide. Caetani raidissait sa battue, construisant l’œuvre comme une série de numéros et non pas comme le déploiement d’une fantasmagorie. Impossible de rêver sous cette baguette.
« Messieurs soyons sérieux, tout cela marche à 8/8, puis à 7/8, puis à 4/8, puis à 6/8 suivez moi, sinon nous courons à la catastrophe » semblait proférer le maître. D’ailleurs, ils le suivirent, on pouvait nettement percevoir chaque changement de mètre, l’effet inverse de celui escompté par Ravel qui voulait dans cette introduction reproduire en musique l’ effet visuel d’un éventail qu’on ouvre et qu’on referme à sa fantaisie. Autre mystère, pourquoi les orchestres français ne savent-ils plus sonner naturellement dans leur répertoire ? Depuis que Janowski est passé sur le Philharmonique, une grande part de la poésie typiquement hexagonale des souffleurs s’en est évaporée, bien que d’autres qualités et non des moindres soient apparues (et demeurées).
Le travail avec Masur commencerait-il à produire les mêmes effets sur le National ? Pourtant, voici quelques semaines, Muti leur rendait une bonne part de leurs couleurs natives. Et si il fallait au National un chef…latin ? Oui, mais alors pas Caetani, l’affaire est entendue. Tic suprême, pas assez occupé avec l’orchestre (et pourtant Ravel pour une baguette a toujours des bobines de fil a retordre en réserve!), il se payait le luxe de diriger « espressivo » les chanteurs qui n’en avaient guère besoin. Car la compagnie de chant fut, elle, parfaite.
Sénéchal c(r)oassait ses emplois, tout cela sans espoir de justesse, mais avec tout l’esprit requis. On commença à s’amuser un peu lorsqu’il fit sa theîère et la tasse de Sara Mingardo, mère très seizième dans son emploi précédent, se montra savoureuse elle aussi. Mais tous furent irrésistibles, palliant l’inconsistance du chef, Isabelle Cals délicieuse chatte « enmiaoutée » par un Stéphane Degout qui a du étudier d’après nature et passer bien des nuits dans les parcs municipaux, Naouri (photo ci-dessus), terrible en arbre, donnant le frisson, la Princesse glamour de Désirée Rancatore, et l’enfant assez formidable d’Hélène Hébrard. Petit bémol pour Sophie Marin-Degor dont l’émission mystérieuse semble fuser par les oreilles. Il lui aurait fallu un diapason spécifique pour ne pas déparer.
Maîtrise juste brouillonne pour être poétique dans l’arithmétique, jolis chœurs, coassant bien comme il faut. Caetani retrouvait un peu de souplesse pour tout le jardin, mais il est clair que Ravel reste hors de sa portée. Une occasion manquée.
Jean-Charles Hoffelé
Concert de la Maîtrise, du Chœur et de l’Orchestre National de France dirigés par Oleg Caetani dans des œuvres de Mozart et de Ravel, Théâtre des Champs-Elysées le 27 fèvrier 2004.
Photo : DR
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