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Paris - Compte-rendu : Félicity Lott : émotion et séduction
Encore un moment d’exception partagé avec la plus enthousiasmante des sopranos, Felicity Lott, fidèle au public parisien et au Théâtre du Châtelet où on la retrouvait pour un récital en compagnie du pianiste Graham Johnson.
Pas de thème particulier cette fois, mais un bouquet d’airs et de mélodies composé avec un souci permanent d’équilibre, d’exigence et de plaisir. En débutant d’une voix sûre et idéalement placée par quatre extraits des Rückert Lieder de Mahler, la cantatrice a donné le ton de la soirée : émotion et séduction. Dans un état vocal superlatif, elle aborde ces miniatures avec la souplesse et la précision que nous lui connaissons et donne le sentiment de n’avoir qu’à ouvrir la bouche pour que les mots transformés en notes s’animent, comme par magie. La ligne haut perchée de Ich bin der Welt adhanden gekommen se dessine sans accroc, progresse vers l’aigu avec naturel, les colorations choisies révélant la profondeur d’une interprète toujours juste et vive face à des phrases aussi touchantes que « Je vis seul(e) dans mon paradis, dans mon amour, dans mes chants ».
Les Schumann sur des textes de Rückert et de Goethe lui vont comme un gant, Lott s’autorisant plus de volume et de pulpe, notamment sur l’éclatant Widmung. Puis voilà Hugo Wolf et là encore, miracle. Pas d’effet superflu, rien que de l’essentiel : l’effacement de soi, la pudeur, devant Le tombeau d’Ancréon susurré d’une voix étale, presque éteinte. Mignon III et ces petites notes de travers, comme désaccordées, nous entraînent l’espace d’un instant sur les rives de la folie, le regard de la chanteuse accompagnant cet égarement fatal, avant que nous ne soyons happés par un Kennst du das Land pris dans un tempo rapide, qui impressionne tant par son soutien vocal, que par la franchise de son émission.
Nombreuses sont celles qui se seraient arrêtées là, mais Felicity Lott appartient à une autre catégorie d’artistes, celles des grandes, des généreuses. Aussi exigeante, la seconde partie est presque exclusivement consacrée à la musique française. Duparc, et une magistrale Vie antérieure, Debussy, un Jet d’eau d’une luminosité jaillissante, un Capdevielle et un Sauguet (des découvertes, toujours !), précèdent un moment plus léger réservé à Noël Coward (d’amusantes Conversation Piece, écrites pour Yvonne Printemps en 1934), avant Reynaldo Hahn, Oscar Strauss et André Messager. Là encore, le style est irréprochable, la diction sidérante et l’humour contagieux.
Sous un tonnerre d’applaudissements, dont une partie allait à Graham Johnson, accompagnateur émérite, « Flott » est revenue pour quatre bis : Hahn à nouveau, avec un Oh mon bel inconnu poétique et « so chic », un clin d’œil avec le « Dis-moi Vénus » de La Belle Hélène, chanté avec un abattage exquis et, toujours en hommage à Printemps, Les chemins de l’amour (Poulenc), suivi du Chant de la nuit de Maurice Yvain, conclu sur un pianissimo indéfiniment tenu. Inoubliable.
François Lesueur
Théâtre du Châtelet, le 12 décembre 2006
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