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Paris - Compte-rendu : Fierrabras de Schubert au Châtelet, une résurrection
Schubert et l’opéra : sujet inépuisable et frustrant, tout comme ce spectacle courageux et désarmant à la fois. Et pourtant Fierrabras eut assez souvent sa chance, certains ténors et non des moindres (Munteanu, Alva, Wunderlich lui même) suscitèrent des revivals mais toujours pour les studios de radio. La mise en scène de Claus Guth, au vrai sens du terme éducative, avec son Schubert omniprésent, ce pianoforte gigantesque, cette cour de Charlemagne noyée dans des costumes romantiques qui semblent autant de personnages sortis tout droit des tableaux de Carus, fait mouche. Mais sa distance intellectualisée met une barrière supplémentaire entre l’action et le spectateur, Schubert en introduisant une autre, plus puissante encore, avec sa musique qui veut sans cesse s’échapper des contingences dramatiques. Si l’on ajoute encore la direction analytique de Franz Welser-Möst, on comprendra que Schubert et le théâtre fassent non plus deux, mais à peu près trente six.
C’est la pensée frustrante qu’engendre cette résurrection mieux qu’exemplaire, utile et dont on peinera à détailler toutes les exceptionnelles qualités. Welser-Möst, tout analyste qu’il soit, joue avec un art certain des subtilités mélodiques et de l’instrumentation souvent fragile de Schubert, et les musiciens de l’Opéra de Zürich pourraient apprendre à ceux de l’Opéra de Paris ce qu’est un orchestre de fosse : netteté des attaques, clarté absolue des équilibres, un vrai jeu d’ensemble qui colle au texte et sert la scène.
On sait que Jonas Kauffman est le ténor du moment. L’écriture de Fierrabras se coule avec bonheur dans sa voix longue, solaire, où le mot est toujours intelligible, et sa silhouette juvénile enchante. Subtile Emma de Juliane Banse dont le soprano lyrique s’étoffe chaque saison un peu plus, et toute une équipe de chant qui illustre bien la santé d’une des premières maisons d’opéra d’Europe, décidément menée avec ténacité au succès par Alexander Pereira. Si le Châtelet pouvait inviter d’autres spectacles zurichois, à commencer par l’Ariane et Barbe Bleue de Dukas où brillait dans le rôle titre Yvonne Naef sous la baguette de John Eliot Gardiner….
Jean-Charles Hoffelé
Paris, Théâtre du Châtelet, le 12 mars 2006
Programme détaillé du Châtelet
Photo : MN Robert
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